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Michel Breydy, PBR. Dr. en Droit Canonique - Edition 1960

L'Office Divin dans l'Église Syro-Maronite

 

Index  -  PREFACE  -  Chap. I  -  Chap. II  -  Chap. III  -  Chap IV  -  Chap V  -  Chap VIChap VII  -  Chap VIII - Conclusion - Biblio

 

SECTION    II

LA PORTEE DE L'OBLIGATION

DE LA CÉLÉBRATION PUBLIQUE

DE L'OFFICE DIVIN

 

CHAPITRE    IV

LE CONCEPT DE L'OBLIGATION

DANS LES ORDRES JURIDIQUE,

ÉTHIQUE ET CANONIQUE

 

 

85.  — En comparant le texte du canon 135 CJC avec son parallèle dans le schéma du Codex Juris Orientalis on constate entre autres différences d'énoncé, que l'on a évité dans celui-ci l'expression redondante du canon latin: «tencntur obligatione» en retenant le seul verbe «tenentur» qui exprime suffisamment à lui seul l'idée du devoir imposé par cette loi[1].

Évidemment, pour le législateur contemporain aussi bien que pour les jusristcs et les consulteurs canoniques du droit ecclésiastique, le problème de la notion de l'obligation suscité par les érudits du droit romain[2] en partant de l'acception littérale du terme «obligari» et de son emploi dans les sources juridiques «obligationes», est d'une importance  désormais  anachronique.

En fait la dépendance étymologique de l'expression «obligatio» de son usage originel auprès des romains avant l'époque justinienne, constitue plutôt un problème d'histoire et de sémantique de la langue juridique latine.

Il ne serait tout de même pas hors de propos de rappeler ici les grandes lignes de cette évolution qui nous a conduits à la réception du concept actuel de l'obligation comme élément adéquat qui intègre toute loi: lien moral qui fait qu'un homme conforme ses actions et ses omissions à une certaine règle ou mesure dictée par la raison de celui qui est investi de l'autorité de le faire.

 

 

86.  — Originairement le mot latin «obligari» dont dépendent tous les mots qui en dérivent dans les langues provenant du latin, impliquait non un lien meral qui sauvegardât toujours la liberté du sujet et de sa volonté, mais un lien proprement physique et matériel — «Ligatus ob (= delictum) — qui asservissait le sujet ainsi lié, et le privait coactivement de sa liberté détruisant, pour ainsi dire en lui, le «voluntarium». S'il lui arrivait enfin de pouvoir «purger» ou réparer son acte illicite ou de satisfaire la prestation requise, il était délié et déclaré «liberatus», «solutus»...

Cela suppose donc que, pour les romains, les «obligations» pouvaient provenir seulement d'une affaire contractuelle (contrahere—contractus auraient donc le même sens que obligare), ou bien d'une action illicite, c'est-à-dire de tout acte constituant un délit (= delictum).

Plus tard, en arrivant à l'époque classique du droit romain, l'obligation en vient à se transformer en «vinculum juris»[3], passant de l'idée de contrainte matérielle vis-à-vis de la personne responsable à l'idée de contrainte ou nécessité morale, qui, par son poids entre civilisés et la possible intervention ultérieure de l'état, garantissait l'accomplissement des actions dues, et la satisfaction du délit.

La collection justinienne confond les données de la mentalité ro­maine, et l'obligation devient synonyme de «debitum» engagement imposé par la loi ou par l'état, d'où la définition constituée de pièces probablement interpolées[4] : Obligationum subsiantia non in eo consistit ut aliquod corpus nostrum aut servitutem faciat sed ut aiium nobis obstringat ad dandum aliquid vel faciendum. vel praestandum...[5] «quo nécessitât adstringimuT alicujus solvendae rei socundum nostrae civitatis jura[6]. De cette façon, l'obligation vient à se revêtir de plusieurs significations dont l'une serait le lien moral qui caractérise toute loi juridique (= coactivité), l'autre indiquerait le devoir même ou l'engagement de celui qui est obligé; une troisième acception employée parfois dans la littérature justinienne désignerait un titre quelconque ou le droit du titulaire (= obligatio créditons, obligationem adquircre, comparare etc..)[7].

 

 

87.  — Mais cette perméabilité des notions que les scholastiques et les contemporains eux-mêmes n'ont pas toujours su éviter[8] permettra plus tard le cours d’une évolution juridique du concept d'obligation amorale constituée de devoirs sans responsabilité aucune[9].

Décidément, le monde grec n'était pas préparé pour la stabilité des concepts juridiques, mais le reproche que ce sont mérité par Vico certa autem turis ars Graecis nulla[10], conviendrait tout aussi bien à plusieurs auteurs contemporains et soi-disant thomistes qui préfèrent encore aujourd'hui répéter les idées juridiques d'un St Thomas com­mentateur, plutôt que de se référer à ses données personnelles comme «penseur et auteur»[11].

Ceci dit, et suivant les traces de notre professeur J. Graneris[12], il nous faudra entreprendre une brève élucidation sur le sens de chacun des mots suivants : ordre, jus, éthique, juridique, pour en conclure à une détermination pratique du concept d'obligation qui met en jeu les fondements de toutes nos assertions ultérieures dans cette étude.

 

 

88. — Toute association de plusieurs éléments ou de plusieurs personnes comporte inévitablement un ordre.

L'ordre conçu comme la conspiration de plusieurs éléments vers une direction commune, a été défini par St Augustin dans son de Civitate Die[13] Parium dispariumque sua cuique loca tribuens dispositio ad finem communem).

L'on y suppose donc nécessairement la distinction et l'agglomération de plusieurs éléments réduits à l'unité à travers une fin commune qui, crée une certaine interdépendance de tous ces cléments et constitue en même temps, la caractéristique qui différencie un ordre de choses d'un autre. Sur le plan des actes humains qui peuvent être dirigés vers des buts très disparates, on peut distinguer deux genres suprêmes d'ordres : le moral et le juridique. Cette dénomination très commune parmi les auteurs, ne devrait cependant pas nous induire en erreur, confondant le lien moral, par ex. avec le lien éthique. L'un est pris au sens figuré, à l'opposé d'un lien physique et matériel, tandis qu'un lien d'ordre éthique est bel et bien un lien réel, quoique de provenance rationnelle et psychologique.

 

Cela nous amène à souhaiter, quand il s'agit d'une dissertation scientifique sur l'obligation, le remplacement de l'expression «ordre moral » par l'autre plus indicative et plus précise: «ordre éthique».

 

Pour mieux situer le champ enveloppé par les deux ordres susmentionnés, nous rappelons succintement, qu'en bonne philosophie, il faut bien tenir compte des distinctions suivantes:

1)                   L'ordre de choses régies par les lois de la nécessité et de l'instinct constitue le domaine de la nature physique irrationnelle ; par contre,

2)         L'ordre régi par les lois de la liberté constitue le règne de l'esprit, qui à son tour se subdivise en plusieurs autres, dont le premier se concentre sur les dispositions de l'esprit en lui-même:

3)         L'autre c'est l'ordre des actes spirituels, des activités spéciales de l'esprit, qui sont à la base de toutes les associations spécifiques des personnes.

Il comprend également deux grandes sections:

4a) Les activités de l'esprit associant ou unifiant plusieurs personnes sous l'égide d'une fin commune bien déterminée et distincte des autres en impliquant le concept d'obligation morale.

Elles sont régies par trois ordres particuliers et bien concrétisés par rapport aux autres. Ce sont: l’ordre religieux, ou la religion ( = régit certains actes soit internes soit externes qui sont orientables vers Dieu); l’ordre éthique communément dit «ordre moral» tout court, ou moralité (= enveloppe tous les actes humains susceptibles d'être conformés aux exigences de la raison et de la fin propre de leur sujet[14]; enfin l’ordre juridique qui s'étend seulement sur les activités susceptibles de s'extérioriser dans la société, en en conformant directement les modalités au bien commun[15].

5b) En dernier lieu, nous citons la section des activités de l'esprit qui, tout en obéissant à certaines ordonnances de la raison, n'impliquent cependant point un sens d'obligation, un concept de devoir moral; c'est p. ex. l'ordre artistique, l'art dans la plénitude de sa portée. Donc l'obligation qui découle de chacun de ces ordres, comporte une nuance de portée et d'énoncé qui spécifie l'obligation elle-même, et la subdivise en plusieurs catégories bien différentes. Plus loin, nous exposerons l'idée que nous croyons plus conforme à la vérité des obligations juridiques et (juridico-) canoniques.

 

Après une telle confrontation des données schématiques du problème de l'obligation morale, nous sommes en état de pouvoir éclaircir, autant que possible, les relations d'interdépendance et de mutuelle intégration entre les prdres éthique et juridique, et de définir ainsi l'exacte portée du concept d'obligation, impliqué dans la loi juridique dont nous étudions ici un des objets déjà décrété par un canon du CJC et qui le sera bientôt par le Code Oriental Canonique[16].

Le droit «jus» — acquiert auprès des moralistes et des juristes une signification ambiguë et incertaine, créant ainsi un problème fondamental et une source d'interminables équivoques. Les juristes ne peuvent, en effet, concevoir qu'un seul droit doté de toutes les notes caractéristiques de la juridicité; ils parlent et s'expriment toujours d'une manière strictement juridique. Les moralistes, de leur côté, s'empressent d'assurer à tout point de vue l'immédiate sujétion des hommes et de la société à leur fin dernière et négligent par conséquent les notes caractéristiques du «jus», jusqu'au point d'en arriver à discourir sur le «jus non juridi-cum» ou le «jus morale», qui n'est en fait qu'un contre-sens évident.

 

 

90. — La confusion provient principalement du fait que leur man­que le critère pour distinguer le «jus naturale» de la «loi naturelle», de façon que sous l'un et l'autre ils rassemblent tous les devoirs d'un homme envers Dieu, envers soi-même et envers la société.

Or le jus proprement dit se révèle aux caractères suivants:

 

1)     l'extériorité qui fait que la matière propre à recevoir l'ordination juridique est restreinte par la perspective forcément limitée des actes humains extériorisés et  des choses qui  s'y rattachent[17].

Cette extériorité est donc tout autant comprise que définie à la fois par:

2)     L’alterité, c'est-à-dire, que ces mêmes actes extérieurs doivent être orientés vers une personne distincte de leur auteur. En ce sens St Thomas a dit que ex sua ratione justitia habet quod sit ad alterum[18].

3)     L’amoralité théorique du droit qui comporte la scission de la moralité objective de celle subjective au moment de l'exécution d'un acte externe. De cette façon, le droit exige le rapport et la conformité de l'acte externe avec la règle imposée par la fin de la société sans s'arrêter à vérifier sa conformité avec la conscience du sujet ou bien avec les normes de la religion[19].

 

Nous nous empressons néanmoins d'ajouter que ni St Thomas ni les juristes catholiques n'entendent par là priver le droit ou les lois juridiques de toute possibilité de moralisation. Mais, en bonne logique, l'on doit distinguer la fin immédiate et spécifique de chaque catégorie des sciences, en la limitant dans son niveau d'horizon: on ne peut tout de même pas, s'empêcher de dire qu'en pratique les actes humains extérieurs sont susceptibles d'être ordonnés toujours soit à des fins éthiques, soit à des fins religieuses.

Avant de procéder à la déduction des conclusions qui découlent de cette distinction, nous mentionnons la dernière prérogative qui caractérise exclusivement le droit:

4)     La coactivité, ou la qualité impérative dont jouissent les lois juridiques en vue d'assurer leur exécution malgré l'opposition éventuelle du sujet ou de la personne qui vit en société.

Or, tandis que les lois morales comportent une obligation inhérente à la conscience de l'agent et dont on doit répondre devant Dieu, pour autant que les lois elles-mêmes aient un motif et une fin adressés vers Dieu, les lois juridiques — en tant que telles — ne créent qu'une obliga­tion adhérante à l'exécution même des activités exigées par les nécessités de l'ordre social.

C'est devant la société avant tout qu'on en répond, et c'est par elle que les récalcitrants seront forcés de s'y conformer[20].

Toute loi juridique, par conséquent, contient une exigence sociale intrinsèque à son essence même, et crée pour autant une obligation juridique.

C'était exactement notre propos. Qu'elle puisse encore donner lieu à une obligation éthique, ce sera aux moralistes de le déterminer concrètement.

 

 

91. — Mais puisque nous sommes en face d'une loi canonique, qui oblige à la célébration d'actes cultuels qui sont forcément dirigés vers Dieu, en même temps qu'ils causent un profit personnel et un mérite pour leur agent, aussi bien que pour la société chrétienne, il nous faudra reprendre les mêmes notions exposées plus haut pour les appliquer encore au nouveau problème qui surgit: celui de l'«interdépendance et de la mutuelle intégration» des deux ordres éthique et juridique en général, et surtout dans la législation canonique de l'Église. La religion, en effet, enveloppe et comporte essentiellement non seulement les actes internes et externes de l'homme, mais aussi ses activités en tant qu'individu privé et en tant que membre de la société que la religion embrasse en entier pour la diriger vers Dieu, sa fin ultime.

Or la racine même du droit et de Tordre social se trouve immergée dans la morale puisque, le droit prétend ce qui est justement dû; la moralité envahit donc, de par sa racine, tout l'ordre juridique.

 

 

92.  — Néanmoins cet ordre juridique, pour autant qu'on le veuille, n'est pas tout à fait engagé entre les bornes de Tordre moral, puisque ses caractéristiques dépassent celui-ci; mais il n'est même pas complè­tement en dehors. Tout aussi bien que Tordre moral ne peut à lui-même se suffire pour réaliser en concret son but, et que les fondements de Tordre juridique s'enfoncent dans la loi naturelle foncièrement morale, cet ordre laissé à lui-même, sans la détermination positive des justes exigences actuelles «hic et nunc» de la société par Tordre juridique, serait en défaut vis-à-vis de la tâche même qu'il se propose.

En somme, ni l'un ni l'autre ne peuvent s'exclure ou s'éviter; et tout en communiant à une même base, tout en gardant chacun ses modalités différentielles, ils collaborent en dépendance l'un de l'autre à la réalisation de l'achèvement de l'homme à l'échelle de sa destinée divine.

La tâche du droit est de créer l'ordre social, sa fin est celle de réaliser la paix dans la justice[21].

Il n'ira pas plus loin, mais la justice est reprise à nouveau par Tordre moral pour que, en connivence avec la religion, l'homme et la société parviennent à Dieu.

 

 

93.  — Ce que nous venons de signaler brièvement revêt une impor­tance capitale; car, pour répondre, ne fût-ce qu'en partie, au problème posé plus haut, il est de toute nécessité de bien fixer la fin et la tâche directes du droit sous peine de ne rien comprendre à la juridicité de certaines lois positives civiles, comme aussi à la juridicité encore plus difficile à établir d'un grand nombre de lois ecclésiastiques.

Voici donc comment nous définirons l'obligation juridique en termes de concision latine: Nécessitas alicujus rei solvendae, defensa a lege quae notxs juridicitatis sii dilatai C'est donc une exigence voulue par le droit de faire quelque chose. Peu importe que le droit en question

soit explicité par écrit ou par oral, pourvu qu'en l'occurrence, il y ait une autorité supérieure capable d'urger l'exécution de ce qui est exigé.

Au canon 135 du CJC — (~ 76 du G. Or. de Personis) — une loi ecclésiastique énonce l'obligation des clercs in sacris à la récitation orale d'un certain nombre de prières quotidiennes.

Or, si la tâche ou fin primordiale du droit est exclusivement celle de bien disposer les actes humains qui constituent le domaine de la vertu de la justice, ou, comme disent certains thomistes, «d'exercer exclusive­ment la seule vertu de la justice»[22], la récitation orale des prières de l'office divin ne peut aucunement donner lieu à une ordination juridique.

Par contre, si la tâche spécifique du droit est celle de réaliser l'ordre dans toute société — qu'elle soit naturelle ou surnaturelle peu importe, pourvu qu'elle remplisse les conditions d'une vie extérieurement associée par des normes particulières — alors l'acte cultuel et public de la célébration de roffice divin rentre automatiquement dans la catégorie des activités susceptibles d'être ordonnées par le droit, et de comporter en conséquence une obligation juridique.

 

 

94. — D'un point de vue général, nous constatons que la prière «officielle» de l'Eglise, est une activité éminemment sociale dans sa source, dans son actuation comme aussi dans sa fin. Elle est donc certainement matière propre de l'ordre juridique. Notre Seigneur, l'auteur du précepte de la prière, a suggéré à ses fidèles de se réunir pour prier ensemble, promettant sa présence et sa participation à ces assemblées[23].

La prière qu'il nous a enseignée, prière exclusivement chrétienne, prière imposée à tous dès les premiers siècles[24], est rédigée à la première personne du pluriel, et doit rester ainsi, même quand elle est récitée dans la solitude du désert: preuve évidente qu'elle est radicale­ment sociale et collective.

En plus, la valeur même d'une prière semblable, et sa fin prochaine ne peuvent pas être justement appréciées qu'en fonction de l'édification de l'ensemble et non seulement du profit ou mérite qu'en remportent les individus qui célèbrent la prière officielle.

Il va sans dire, que cette capacité des actes cultuels à être ordonnés par des lois juridiques n'empêche en rien, mais au contraire elle suppose logiquement le caractère foncièrement religieux de ces actes. Le Droit Canon donc, en respectant l'intériorité de la religion, se réserve néanmoins l’ordination des actes à double orientation (individuelle et sociale) qu'implique la religion elle-même considérée sous l'angle de sa réalité sociale.

La juridicité des lois ecclésiastiques souffre nécessairement de la dépendance des actes religieux à l'égard de l'esprit humain. Celui-ci jouit d'une espèce de primauté et impose à toutes les lois ecclésiastiques un minimum d'intériorité, car l'Église est avant tout une société dominée par l'Esprit et le Surnaturel.

 

 

95. — L'ordre juridique canonique doit se soumettre à plusieurs limites pour être plus en harmonie avec la structure de la religion; mais il n'en restera pas moins juridique et efficace. La tâche de la légis­lation canonique, celle d'assurer l'ordre et de coopérer à la paix dans la justice parmi les membres de la société chrétienne, garantit au Droit Canon sa raison d'être et sa juridicité[25].

Revenant à notre question principale, la juridicité de l'obligation des lois qui imposent la célébration quotidienne de l'office divin, il nous faudra avouer, en conséquence de ce que nous venons d'affirmer au sujet des lois ecclésiastiques en général, que certaines caractéristiques de la juridicité, particulièrement la coactivité, y sont manifestement atténuées. La contrainte de ces lois ne peut jamais parvenir jusqu'à l'exécution violente imposée par les organes de l'autorité religieuse en tant que telle.

Néanmoins, nous retenons tout précepte d'obligation énoncé par une loi dûment élaborée pour une source d'obligation juridique. La prière publique de l'office divin, en cette occasion, est constituée (Factions externes (saltem oraliter...) dirigées ad alium (par la personne du prêtre médiateur, elles acquièrent une valeur spéciale aux yeux de Dieu et profitent aux autres fidèles), sanctionnées ex génère suo par un précepte divin et dont l'exécution est assurée du point de vue social par le risque d’encourir des peines différentes.

 

 

96. — L'Église ne peut en aucune manière admettre l'idée d'un chrétien qui ne soit obligé à la prière : à plus forte raison, s'il s'agit d'un clerc, et cela jusqu'au point que le Législateur du Code du Droit Canonique Occidental a cru nécessaire d'ajouter une clause au canon 135 (à compléter par les canons 213 et 214) pour dispenser du Bréviaire les clercs majeurs réduits à l'état laïque: «exceptis iis de quibus in can. 213, 214».

 

Cette prière obligatoire est ainsi conçue qu'elle comporte inévitablement pour tous les individus soit un texte à contenu égal ou identique (donc matériellement communautaire et social)[26] soit même un texte qui, de par sa nature, implique la célébration chorale et, originai­rement au moins, la célébration paroissiale.

 

L'actuelle récitation privée du Bréviaire doit être regardée comme une concession bénévole de notre mère la Ste Église. Les auteurs les plus réticents à cet égard devraient tout de même admettre que le législateur ecclésiastique peut toujours, sans cesser d'être législateur, imposer des actes mixtes: c'est-à-dire des actes internes qui doivent moralement accompagner par la nature même des choses les actes externes. Or, c'est bien le cas de la célébration de l'office divin imposée aux clercs par la loi canonique, ayant pour autant ses effets d'ordre juridique non moins que ceux d'ordre moral. Sinon, et cette remarque s'adresse à des auteurs par trop moralistes, pourquoi se contente-t-on de la seule réci­tation vocale aux effets de la loi?[27].

 

Le canon 2382, rapproché des canons 2182 et 2183 et 467 du CJC peut nous donner une idée de la possibilité des censures à infliger aux négligents. D'ailleurs le canon 125, aussi bien que les statuts particuliers, imposent aux Supérieurs Majeurs et aux Ordinaires du lieu de veiller à l'observation de semblables préceptes. En plus, tous les auteurs tombent d'accord pour affirmer le pouvoir des Ordinaires d'imposer en pareils cas des peines laissées à leur prudence «prudenti arbitrio iudicis vel Superioris reliera.. » (c. 2217).

 

Les peines prononcées dans l'antiquité à l'appui de cette obligation, seront rappelées dans les chapitres suivants.

 

 

97.    En conclusion, l'obligation que nous étudions ici, sous la forme de «juris vinculum religiosum» — (quia ex jure ecclesiastico) — quo necessitate adstringimur publicae orationis solvendae», est d'abord une exigence juridique, provenant de la seule loi promulguée par l'autorité ecclésiastique; quant à l'appui et au renfort qu'elle reçoit des considé­rations d'ordre éthique, nous en faisons ici abstraction autant que possible, mais nous y recourons là où c'est nécessaire pour éclairer la technique et l'efricacité pastorale de la rédaction des canons respectifs, et de la codification des lois particulières qui s'y réfèrent.

 

 

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CHAPITRE    V

LA PORTÉE DE CETTE OBLIGATION D'APRÈS LES ANCIENS TEXTES PATRISTIQUES ET SYNODAUX

(des origines à 1736)

 

 

98. — Au cours de notre premier chapitre nous avons passé en revue certains textes, sans nous y arrêter en ce qui concerne l'obligation qui y était sous-entendue ou clairement déclarée par rapport à la célébration de prières déterminées.

Nous les reprendrons ici per summa capita, en leur ajoutant les textes ultérieurs émanant soit de synodes officiels soit de l'autorité volontiers attribuée à certains écrits patristiques ou apocryphes faisant foi de la «forma mantis christianiae societatis » d'alors, beaucoup plus que de la «forma juris» dont la même société s'autorisait pour s'organiser quant au for externe.

Par le fait même que Voffice représente pour nous, selon ce qui a été déjà exposé au chapitre II, par. 3, la prière officielle de la communauté hiératique des chrétiens, nous nous abstiendrons de considérer ici la prière purement privée et individuelle qui, sans aucun doute, existait aux premiers temps du christianisme tout aussi bien, et peut-être plus qu'aujourd'hui.

Cette dernière, à vrai dire, n'est pas susceptible d'être imposée in concreto par une loi juridique visant directement la mise en pratique du précepte de prier. Mais elle peut l'être in foro conscientiae, (p. ex. pour la satisfaction) ou in foro externo, mais alors, elle revêt plutôt l'aspect des actions pénitentielles, prévues par les can. 2312 et 2313 par. 1, etc...

Il est vrai cependant que des documents dont nous pouvons disposer jusqu'au début du IVe siècle, nous ne sommes en mesure de déduire que des notions fondamentales, mais assez génériques. Les textes des siècles suivants quoique donnant lieu à plusieurs interprétations, seront plus explicites au sujet de l'obligation juridique à la célébration de l'office.

 

 

99. — De la littérature patristique des trois premiers siècles, il résulte jusqu'à l'évidence que les chrétiens étaient conscients que toute leur vie devait être un service divin, et partant, on devait consacrer nécessairement certains moments de la journée à la prière: cela constitutait un «devoir», une «obligation», que tout croyant comprenait presque par intuition et à laquelle il se soumettait librement par le fait même qu'il se soumettait à renaître à nouveau dans les eaux du baptême.

Laissant de côté les textes déjà connus des écrits apostoliques, mais tout en les supposant à la base même de ceux qui vont suivre, prenons comme prototype de la doctrine patristique de cette période l'enseignement de Clément d'Alexandrie dans ses «Stromateia» et son «Pédagogue».

«Jubemur autem colère et honorare eumdem quem et Verbum esse et Serva-iorem atque ducem, habemus persuasum, et per ipsum, Patrem, non selectis diebus, ut aliqui alii, sed continenter per totam vitam hoc agentes, et modis omnibus. Certe gênas electum per praeceptum justificatum, Septies, inquit, laudem dixi tibi (Ps. 118, 164) Unde nec in definito loco, neque in templo selecto, neque diebus aliquibus festis et praestitutis, sed per totam vitam is qui est gnosticus in omni loco, etiamsi per se sit solus, etsi secum habuerit alios qui eamdem finem amplexi sunt, Deum honorât, hoc est, agit graiias propter rectae vitae cognitionem»[28].

«Scimus enim optime, eum qui est Gnosticus, totam mundum lubenter transcendere... Quod si nonnulli certas ac definitas haras constituant precationi ut, verbi causa, tertiam, sextam, nonam; at Gnosticus per'totam orat vitam... Jam vero triplicem korarum divisionem, quae totidem. sunt honoratae precibus, sciunt qui norunt beatam sanctarum mansionum trinitatem...»[29]. «Postremo autem antequam nos somnus invadat, pium et sanctum est Deo gratias agere, ut qui ejus benignitatem et gratiam fuerimus consecuti, ita ut cum divino quodam afflatu nos ad somnum conferamus...»[30].

 

Les conclusions à tirer de ces textes sont évidemment indirectes; nous réservons cela pour le chapitre suivant (Nos 123-124). Mais le témoignage déféré sur les «nonnulli» et les «aliqui alii» désignant la communauté des fidèles non-gnostiques conserve bien sa valeur puisque les deux ouvrages de Clément sont d'une date antérieure à 195 de l'ère chrétienne. Rattaché au précepte de la Didaché, «Ainsi vous prierez trois fois par jour»[31], cela constitue une preuve assez forte en faveur de la mise en pratique du commandement de la prière distribuée par qui de droit en différents points de la journée.

 

 

100.   — Les textes suivants du Tertullien catholique, n'ont pas une moindre valeur en faveur de l'exécution du précepte de la prière à heures déterminées:

«Coeterum omni die quis dubitet prosternere se Deo vel prima saltem oratione qua lucem ingredimur?... Non entra oramus tantum, sed et deprecamur, et satisfacimus Deo domino nostro. De temporibus orationis nihil omnino praescriptum est, nisi plane omni in tempore et loco orare»[32].

«Sed quomodo omni loco (/ Timot. II, S) cum prohibeaniur in publico? Omni, inquit, quem opportunitas oui etiam nécessitas important. Non enim contra praeceptum reputatur ab Apostolis factum qui in carcere audientibus custodiis orabant et canebant Deo, apud Paulum (= lege a Paulo) qui in navi coram omnibus Eucharistiam fecit[33].

«De tempore vero non erit otiosa extrinsecus observatio etiam horarum quarundam. Istarum dico comraunium, quae diu inter spatia signant, tertia, sexta, nona, quas solemniores in Scriptura invenire est...

«Etsi simpliciter se habeant sine ullius observationis praecepto, bonum tamen sit aliquam constituere praesumptionem, qua et orandi admonitionem cons-tringat, et quasi lcge ad taie munus extorqueat a negotiis interdum, ut quod Danieli quoque legimus observatum utique ex Israelis disciplina (Daniel VI, 10), ne minus ter die saltem adoramus, debitores Patris et Filii et Spiritus Sancti.

«Exceptis utique legitimis orationibus, quae sine ulla admonitione dcbentur ingressu lucis et noctis...»[34].

 

 

101.   — La divergence d'interprétation créée autour de ces textes de Tertullien à cause de son passage sur le Notre Père considéré comme «légitima et ordinaria oratione, quasi fundamento...», et sur laquelle nous reviendrons à l'occasion de la détermination des sujets d'obligation de la prière à heures fixes, n'empêche en rien la déduction logiquement obtenue sur l'existence d'une loi chez les chrétiens, puisque Tertullien lui-même au lieu de se référer au commandement du Seigneur qui lui aurait rendu meilleur service, parce que plus vague, recourt à celui de St Paul pour conclure à l'absence d'ordonnance là-dessus: «de temporibus nihil omnino praescriptum est».

Il est vrai cependant qu'une prescription formellement juridique, comme le voudrait Tertullien, n'existait pas; mais la pratique soit des Apôtres soit des fidèles dont témoigne Tertullien lui-même, est là pour démontrer que l'obligation existait et s'étendait à tous, jusqu'au point qu'au moins les prières du matin et du soir sont admises comme obligatoires par «sous-entendu» et sans discussion aucune «sine ulla admonitione debentur...».

 

D'ailleurs, la pratique de sanctifier les trois principaux moments de la journée dans les pays où les habitudes romaines s'étaient fort enracinées (à Alexandrie, par exemple, et pourquoi pas aussi à Jérusalem sous l'influence de' la domination romaine?) c'est-à-dire «ad tertiam, meridiem et nonam» que le Préteur devait annoncer au peuple[35] nous est attestée par les passages suivants du liber de Jejuniis, œuvre du Tertullien montaniste:

«...cum in eodem commentario Lucae, et tertia hora orationis demonstretur, sub qua Spiritu Sancto initiati, pro ebriis habebantur; et sexta, qua Petnts ascendit in superiora; et nona, qua templum sunt inlrogressi, eux non intelli-gamus salva plane indifferentia semper et ubique et omni tempore orandi, tamen très istas horas ut insigniores in rébus humanis, quae diem distri-buunt, quae negotia distinguunt, quae publiée résonant, ita et solemniores fuisse in orationibus divinisa Quod etiam suadet Danielis quoque argumentum ter die orantis... non autem (horarum exceptionem) aliarum quam insigniorum, exinde Apostolicarum, tertiae, sextae et nonae. Ilinc itaque et Petrum dicam ex vetere potius usu nonam observasse, tertio orantem supremae orationis munere... Mon quasi respuamus nonam, cui et quaria sabbati, et sexta plurimum fungimur; sed quia eorum quae traditione observantur, tanto magis dignam rationem afferre debemus, quanto carent Scripturae auctoritate, donec aliquo coelesti charismate aut conjirmentur aut corrigantur. «Et si qua, inquit, ignoratis, Dominus vobis reuelabit» (PhiL III, 15)»[36].

 

 

102. — Il est remarquable que Tertullien ait mis ici en relation directe la tradition de la coutume contemporaine des trois heures de prière quotidienne, avec le «vetere potius usu» observe par St Pierre et les autres Apôtres que de référer les deux usages à l'obligation d'un précepte formel et concret de source chrétienne.

A défaut d'une pareille justification inadmissible pour Tertullien jusqu'à preuve exhaustive, «donec aliquo coelesti charismate aut confirmentur, aut corrigantur», voici cette autre qui ne manque pas de valeur et d'originalité» :

«Item dum pariter ostendimus quo semper in ordine fuerint (il y parle des jeûnes et stations montanistes, mais le raisonnement conclut pour la généralité des «offices») religionis, eos revincamus, qui haec ut nova accusant, nec novum enim quod semper, nec vacuum quod utile. Sed et illud in medio est, quaedam ex his qfficiis a Deo homini imperata, legem constituisse; quaedam ab komine Deo oblata, votum expunxisse; tamen et votum, cum a Deo acceptatum est, legem in posterum facit (— sanàt), per auctoritatem acceptatoris, exinde enim faciendum mandavit qui factum çomprobavit»[37].

 

L'obligation donc existait, elle était générale s'imposant à tous les chrétiens, mais la matière de cette prière n'avait eu ni la détermination anti-communautaire que peuvent présenter certains bréviaires d'office divin, ni la distribution en «heures» dépassant le nombre de trois.

 

 

103.    — Des témoignages de siècles postérieurs nous avons déjà rappelé les textes de la Tradition Apostolique d'Hyppolite. Avant de nous introduire dans l'époque où les textes anciens deviennent manifestement influencés par les interférences des habitudes purement monastiques, il nous paraît plus convenable de rapporter encore le passage suivant des Constitutions Apostoliques avec quelques autres qui en dépendent:

«Si propter infidèles ad ecclesiam prodire non licuerit, in domo aliqua conventum habebis, o episcope... non enim locus hommes sanctificat, sed homo locum... «Çhiod si neque in domo... unusquisque, apud se psallat, légat, oret, saltem duo vel très...

«Sed singulis diebus convenue in ecclesiam mane et vespere psalmos orationesque in aedibus Domini dicentes... «Praecipue autem die sabbati, et die qua Dominus resurrexit, hoc est, dominica, studiosius ad ecclesiam occurrite»[38]

 

 

104.     — D'après la Didascalie d'Addai (s. IV ) les Apôtres «décidèrent encore que le dimanche on ferait l'office, la lecture des sanjts livres et l'Offrande, (l'Eucharistie,) parce que c'est le dimanche que le Christ est ressuscité des morts et monté au ciel; c'est encore le dimanche qu'il nous apparaîtra à la fin avec ses anges».

«Ils décidèrent encore que l'on ferait l'office, le mercredi, parce qu'en ce jour N. Seigneur leur fit des révélations sur son jugement, sa passion, son crucifiement, sa mort et sa résurrection! et les disciples à cause de cela étaient dans la douleur. Les Apôtres décidèrent encore qu'il y aurait office le vendredi à la neuvième heure, parce que ce qui avait été prédit le mercredi de la passion de N.S. s'accomplit le vendredi»[39]

 

 

105.     — Des sanctions accompagnant des textes plus explicites commencent à paraître aux époques successives. En voici quelques uns :

«Uévêque Ossius dit: Rappelez-vous que nos pères avaient autrefois décrété que tout laïc demeurant dans la ville et ne venant pas à Véglise trois dimanches successifs soit excommunié»[40].

 

Dans le même sens prescrivent le Synode de Séleucie-Ctésiphon et le Concile Trullien (in Trullo) :

«Tout prêtre qui demeure en ville et qui n'étant pas gravement malade, ne se tient pas avec ses confrères dans Véglise sur les sièges au moment de la prière, ou devant Vautel au moment de Voblation, doit être déposé de son office»[41].

«Tout évêque, ou prêtre ou diacre ou n'importe quel autre clerc ou laïc qui, en demeurant dans la ville et n'ayant pas une grave occupation ou une grande nécessité l’obligeant de s'absenter de son église pour une longue période, ne se rendra pas à la réunion pour trois dimanches de trois semaines sera déposé s'il est clerc, et séparé (= excommunié) s'il est laïc» [42]

 

 

106.   — Des sources étudiées sur cette première période de la vie chrétienne nous pouvons conclure à l'existence d'heures déterminées pour la prière publique, sanctionnées «d'après ce qu'avaient décrété les Pères» comme le dit Ossius, par des peines dont on menaçait les négligeants et qu'on leur infligeait au besoin.

 

A côté de ces heures «praescriptae» il y en avait une foule d'autres consacrées à la prière spontanée auxquelles on se soumettait de plein gré, et qu'on exécutait parfois collectivement, en vertu de traditions et de «vêtus usus» que l'autorité voyait de très bon œil, et qu'elle s'ingéniait à conserver et à augmenter en harmonie avec la ferveur des individus et la fréquentation de certains «lieux saints», en recourant à toute sorte de considérations pieuses, sans les confondre avec les autres qui n'admettaient ni la liberté du choix ni le «ad nutum».

 

Presqu'en même temps, nous constatons sur le niveau de l'organisation de l'Église l'évolution de deux courants qui finiront par se concrétiser en deux législations semblables quant au but. «celebratio divi-narum laudum», mais différentes quant à la matière même de ces laudes, et quant aux motifs allégués à l'appui de chacune d'elles.

 

 

107.   — Tandis qu'au Concile de Chalcédoine on reprenait la défense absolue décidée déjà au Concile de Nicée de conférer les ordres sacrés à quelqu'un sans qu'il soit par le fait même inscrit et attaché au service divin d'un lieu de culte déterminé «civitatis, possessionis, martyrii, monasterii»[43], d'où lui provenait l'obligation de prendre part quotidiennement, à moins de circonstances contraires, à la célébration des prières «officielles», l'organisation des «coetus monacales» imposait l'obligation de cette célébration indépendamment des lieux sacrés convenus, et en adoptant des «cursus psallendi» dont la matière se prêtait plus ou moins au libre arbitre de chaque communauté monastique.

C'est alors qu'apparaissent des décrets ou des directives qui accumulent les unes sur les autres les multiples variantes d'offices quotidiens, et prétendent envelopper par une égale obligation clercs in sacris, laïcs et moines. De la juridicité de cette obligation plus que douteuse, il ne nous reste plus aujourd'hui que les conséquences dont les nombreux projets de réforme liturgique se proposent à grande peine de corriger l'exagération en Occident.

 

La distinction entre prière privée et célébration «officielle» s'éclipse pour céder le pas devant l'avalanche mieux organisée des coutumes monacales; mais, en revanche, le peuple, et même en une grande proportion, le clergé des villes, commencent à s'en retirer peu à peu jusqu'à les abandonner, motivant ainsi, au début du VIe s. la sanction décrétée par Justinicn et adoptée par l'autorité ecclésiastique, comme nous le verrons plus  loin.

 

Mais les textes eux-mêmes, quoique très connus en général, parlent mieux:

«Le Testamentum Domini» après avoir invité Pévêque à s'entourer de deux ou trois clercs pour faire avec eux des prières aux heures indiquées de chaque jour, il ordonne ce qui suit:

«Sit episcopus assiduus pênes altare, perseverans in orationibus die noctuque, praesertim vero horis praescriptis noctis, hora nempe prima, média nocte et hora prima aurorae, cum exoritur diluculum. Insuper etiam mane hora tertia, hora sexta, hora nona, hora duodecima et hora lucernae accendendae. «Si autem quamvis hora(m) sine intermissione orationes offert pro populo et pro semetipso, benefacit.

«...Postquam presbyter ordinatus fuerit, assiduus maneat prope altare, vacans cum labore sine intermissione orationi. Aliquando et in domo quadam quiescat solus ab Us, quae ipsi in aede dominica incumbunt, quin autem desinat aut detrahat ullam ex horis determinatis orationis. «...Laudem quotidianam dicant presbyteri in ecclesia, singuli sibi praescripto tempore...»[44].

Le caractère apocryphe de cet ouvrage ne nous dispense pas d'y remarquer en plus les traces évidentes de l'influence monacale, comme aussi l'accumulation hors de propos et presque irrationelle d'heures de prières qui ne se conforment en rien avec les heures convenues traditionnellement. L'alliage entre «hora sexta, nona, duodecima, et lucernae accendendae » démontre suffisamment la confusion entre l'horaire romain et l'horaire local (?) des journées chrétiennes d'après les différentes sources littéraires antérieures à l'époque de sa composition.

 

 

109. —- Du champ nettement occidental, citons seulement la phrase suivante tirée du sermon 140 faussement attribué à St Augustin, et qui semble appartenir plutôt à St. Césaire d'Arles:

«Rogo vos.., dit-il s'adressant aux laïques, ...ad vigilias matutinas, surgite, ad tertiam, ad sexiam, ad nonam ante omnia convenue...»

 

Nous laissons ici de côté les textes se référant exclusivement aux moines comme les Regulae fusius tractatae de St Basile (ch. 32, 4 et ch. 37, 3) ou le De virginitate de St. Athanase (ch. 12, P.G. 28, 264); mais des innombrables autres passages il nous plaît de constater chez St Jérôme un ton de discrétion que l'on désirerait vainement trouver chez ses contemporains.

«quamquam apostolus semper orare nos iubeat et sanctis etiam ipse somnus oralio sit, tamen divisas orandi horas habere debemus, ut si forte aliquo fuerimus opère detenti, ipsum nos ad qfficium tempus admoneat. Horam tertiam, sextam, nonam, diluculum quoque vesperam, nemo qui nesciat...»[45].

 

 

110. — En raison des canons de Nicée et de Chalcédoine sus-mentionnés, certains auteurs ont précise que l'expression «officiare ecclesiam» signifie dans le langage des premiers textes législatifs latins, y assurer la célébration officielle (publique?) des prières concertées dans Vordo ou le cursus adopté dans la région[46] . Vivant des biens ecclésiastiques ou de ses revenus, le clerc nécessairement inscrit au service divin d'un «titulum» ou lieu saint quelconque, y était tenu à s'exécuter par le poids d'une grave obligation qui tombait sur lui de trois sources principales à la fois: le fait d'être clerc, celui d'être inscrit officiellement à servir et bénéficier dans un même centre de culte, et enfin les grandes peines décrétées par les Pères et la tradition contre tout clerc négligent, quoique avec la marche des siècles elles aient perdus beaucoup de leur coercitivité. C'est en fonction de semblable situation qu'il faut comprendre le texte suivant du Code de Justinien:

«Praeterea sancimus ut omnes clerici per singulas ecclesias constituti per seipsos nocturnas et matutinas et vespertinas preces canant, ne ex sola ecclesiasticarum rerum consumptione clerici appareant, nomen clericorum gerentes ministerio tamen Domini Dei quod clericorum est se subtrahentes. Absurdum enim est, cum ipsis nécessitas incumbat, scriptos (= vicarios?) eorum loco cancre.

Nam si multi laici, ut animae suae consulant ad sacrosanctas ecclesias con-jluentes studiosos se circa psalmodiam ostendunt quemadmodum non absurdum est clericos, qui ad hoc ordinati sunt munus non implere? Quamobrem omnimodo clericos cancre iubemus: et inquiri eos per religio-sissimos, pro tempore, episcopos et duo archipresbyteres et quem praepositum vel exarcham vocant uniuscujusque ecclesiae et, qui non inventi fuerint sine vitio in ministerio perseverare, eos extra clerum constitui. Nam qui sacrosanctas ecclesias pro salute sua et pro publica utilitate constituerunt atque fundarunt ideo facultates quorum ope sacri ritus fièrent reliquerunt, ut clerici qui in sacrosanctis ecclesiis ministrant Deum colant... Quae a nobis sancita sunt exsequi et ad effectum perduci cum Dei benignitate jubemus; qui ea violare conati fuerint, primum ex Dominï Dei judicio periculum, deinde poenas huic legi insertas expectent»[47].

Nous supposons que ce décret a été inséré dans le Gode de Justinien d'accord avec l'autorité ecclésiastique. Il porte en soi, sans doute l'écho de la tradition délaissée en confirmant à la fois la double obligation de la célébration de l'office divin en public, non seulement pour les bénéficiaires et autres personnes qui profitent des biens ecclésiastiques (au sens large du mot), mais aussi pour tous les clercs en tant que tels «qui ad hoc ordinati sunt». La question de la récitation privée ne se posait pas encore à cette époque pour plusieurs raisons[48] .

Ainsi nous mettons fin à nos citations forcement réduites, sur les intentions plus ou moins explicites de l'Église universelle à l'égard de la célébration des prières officielles à heures déterminées, pour considérer maintenant les passages qui se rapportent plus particulièrement à la communauté syro-maronite avant la période de 1736 qui vit la réunion du Synode du Mont-Liban.

 

 

111. — Le seul recueil qui constitue à nos yeux une source juridique authentiquement maronite est le Livre de la Direction, connu actuellement dans sa version arabe sous le titre de «Kitabu'l-Houda». Sujet encore à beaucoup de discussions pour l'exacte identification de son époque et de son auteur, il y est cependant un fait indéniable: ce recueil n'a point échappé à l'influence des critères monastiques surtout en matière de préceptes cultuels.

 

Nous traduisons donc de l'arabe les textes qui suivent: « Les temps de la prière sont trois; à l’aube, aux vêpres, et au soutoro ou à la nuit tombante. Ces trois temps Dieu les a imposés aux chrétiens... Quant à la prière de nuit, elle est un précepte particulier à tous les moines, archevêques, évêques et ermites: et aussi à tout porteur de U habit monacal (litt. = Capuchon) par consécration (= prise d'habit): pour eux tous, c'est un précepte qu'il n'est pas licite de négliger».

«Quant aux séculiers, tous avec les prêtres qui se trouvent [dans l'état matrimonial, et kabent nunc lectus conjugales) il leur est permis (ou conseillé?) de célébrer la prière nocturne s'il le peuvent; mais cette indiction a pour commencement minuit et finit avant l'aube, par conséquent la retarder vaut mieux que de l'avancer, puisqu'il faut que le priant ne reprenne pas le sommeil, et que s'il la finit et qu'il fasse encore nuit, il doit lire dans quelques livres divins comme les Mayamer [cantiques], les vies et les histoires des Pères et des saints jusqu'au moment de la prière de l'aube qu'il entamera à la suite.

«Les moines demeurant dans les monastères et dans les curies doivent célébrer en plus une prière qui n'oblige pas les séculiers: l'heure de tierce de chaque jour et l'heure du midi ou moitié du jour, et l'heure de noue qui tombe entre midi et le coucher; le moment le plus exact {de cette dernière) est celui où l'ombre de chaque chose devient son égale. «Toutes ces trois heures sont particulières aux moines demeurant dans les monastères et les cellules, puisqu'à tout porteur d'habit monacal elles constituent une surcharge aux prières imposées au reste des fidèles (= peuplé)[49].

 

 

112. — Le passage suivant trahit trop dans sa forme arabe les traces évidentes d'une construction arabe de style coranique, et en conséquence nous le considérons interpolé malgré son contenu d'inspiration nettement chrétienne et manifestement monacale. Tel que nous le rapportons ici, c'est une suite de fragments, choisis entre autres, parce qu'ils se rapportent directement à notre sujet:

 

«Les prêtres doivent s'apitoyer sur la multitude et prier pour elle et à sa place, jour et nuit, de la même façon que la multitude (= les fidèles?) leur doit respect (= attachement?), obéissance et reconnaissance de leurs droits...[50]

«Soyez (s'adressant aux prêtres et moines) comme les pasteurs qui ont pitié du troupeau: ils défendent les brebis grasses, donnent à manger à celles qui sont maigres, soignent celles qui sont tombées [cassées), transportent leurs agneaux et éloignent leurs maux...

«C’est pourquoi (les prêtres...) bénissent ceux qui prient et jeûnent... enseignent ceux qui ne possèdent pas bien la science de la prière afin qu'ils ne se présentent point devant Dieu comme des bêtes (= animaux).,, ils se conduisent parmi le peuple en paix {conciliation), rejetant ce qui est mauvais, louant ce qui est bien (= beau) et commencent d'abord par eux-mêmes (= à mettre cela en pratiqué).

«Dieu a sur les chrétiens (= les chrétiens doivent à Dieu) sept prières pendant le jour et la nuit, parmi lesquelles la prière [avant)  le sommeil, la prière de minuit, la prière de l'aube, et la prière des trois heures...

«Les diligents (= ascètes?) se sont imposés à eux-mêmes de les exécuter toutes avec génuflexion (à genoux) et avec louanges...

«Parmi elles, la multitude (= les séculiers) prient seulement, à cause de leur peu de diligence (= dévotion), au coucher, pendant le  sommeil et à l'aube»[51]

 

 

113.  — Quelques-uns de nos contemporains ont voulu trouver dans le soi-disant «Liber Vitae» un complément général à la collection évoquée ci-dessus[52]

Nous avons eu la possibilité d'étudier le manuscrit de la Vaticane (Cod. Barber. Orientale 41, olim VI, 70) considéré comme l'un des trois plus importants exemplaires dudit «Liber Vitae»; mais nous avons le regret de formuler les conclusions suivantes à son sujet:

 

D'abord le manuscrit ne porte en lui-même, aucune date; on le suppose du XIIIc siècle, mais il peut aussi ne pas être de cette date. Il ne contient en lui-même, du moins dans la partie qu'on voudrait considérer comme le texte de la collection canonique complémentaire du Nomocanon des Maronites, aucune indication se référant à cette communauté. Seuls l'écriture «serto» du karschouni (— arabe écrit avec caractère syriaque), et le fait d'avoir été acheté à un bouquiniste maronite de Chypre servent à prouver son origine maronite. Une note écrite en latin et collée à la cire au verso de la couverture par l'acheteur a prétendu consacrer définitivement l'appartenance du manuscrit aux maronites. Cependant toutes ces preuves de vraisemblance ne nous convainquent point: après lecture de plusieurs chapitres et après comparaison avec le texte du Nomocanon du copte Ibn-el-Assal[53], il ressort très clairement qu'il s'agit tout simplement d'une exacte copie, ad litteram, dudit Nomocanon, sans pour autant en indiquer l'auteur. Nous ne pouvons donc pas le considérer comme une source de droit maronite; cependant nous croyons utile de rapporter ici la version de quelques passages tirés du manuscrit mentionné, aux fins de mettre en relief l'ensemble d'opinions communes aux Orientaux, influencés par les courants monastiques et d'avoir ainsi l'occasion d'évaluer en justesse les textes parallèles du livre de la Direction ou Nomocanon original des  Maronites.

 

 

114.    Du IXe Chapitre :

«Hyppolite 21 (= canons d’Hyppolite patriarche de Rome?) et que tous (= prêtres, diacres...) se réunissent au chant du coq, et célèbrent la prière et les psaumes et la lecture des livres et les prières selon le commandement de VApôtre qui dit: «Dum venio, attende lectioni» (I Tim. 4, 13). Et que chaque clerc, qui, sans [motif de) maladie ou voyage s'absente, soit séparé (— excommunié). Cependant les malades qui vont à Véglise (y trouvent) laguêrison, à moins qu'ils ne soient moribonds, et alors que ceux qui les, connaissent parmi le clergé aillent les visiter chaque jour»[54].

 

Du XlVe Chapitre:

«Ce qu'il faut réciter dans la prière d'après l'indication de l'Evangile et des canons.

- Ainsi vous prierez vous autres: Notre Père qui êtes aux deux, et la suite (Evang.).

- Qu'on récite (— le symbole de) la profession universelle dans chaque prière (Nicée).

- Que la plupart des prières de la nuit et du jour soient (= choisies) des psaumes en raison de ce qu'ils contiennent d'actions de grâce, de louange, d'impétration et d'aveu de l'unité du Créateur et de confession des torts (Canons des Apôtres,  22).

- Pour la prière du matin qu'on récite le psaume 62, et pour celle du soir, le psaume 140 (Didascalie 10 et 7).

- Que les prêtres récitent chaque jour le cantique des trois garçons et qu'ils terminent toujours par la prière de la Madone. En plus, le lundi ils diront le cantique de Moïse et de sa sœur, le Mardi...

Mais le dimanche ils prieront tous ces cantiques à la fois. (D'autre part) les Pères ont déjà ordonné des prières qui contiennent celles-ci et d'autres encore: il faut donc s'y conformer» (Canons du Vie Synode de Laodicée, 19)[55]

 

(Didascalie 37, Canons des Apôtres de la collection copte 74 et 68, Hippolyte 27 et 25, Canons de Basile 28): Et les prières imposées à tous les fidèles quotidiennement sont sept: la première avant le lever du soleil, quand on s'éveille en quittant le lit il faut la dire après s'être lavé les mains et avant n'importe quel travail. La deuxième est la prière de tierce, la troisième la prière de sexte, la quatrième la prière de none, la cinquième la prière du soir, la sixième celle du sommeil, et la septième celle de minuit, après s'être lavé les mains avec de l'eau. A défaut d'eau, à ce moment, qu'on souffle dans la main, et qu'on se signe avec la salive de la bouche. Si quelqu'un a sa femme avec lui, qu'ils prient ensemble... [56].

 

«Que les prières du matin et du soir aient lieu à l'église, surtout le dimanche et le samedi quiconque s'absente, qu'il soit excommunié; que les malades qui peuvent s'y rendre ne tardent pas afin d'obtenir la guêrison à travers «Veau de la prière et son huile» [57]...

«Cependant Tierce et ce qui suit est licitement priée chez soi. Or, si le moment de ces prières arrive et que le fidèle se trouve dans un lieu où il ne peut pas prier, qu'il prie dans son cœur.

«Les prières non obligatoires sont la prière d'ascétisme (sic) pour les moines et les fervents qui prient la plupart de la nuit et du jour...» [58].

 

 

115.  — On n'a aucune difficulté à remarquer que dans l'idée de l'auteur ou des auteurs, ces sept heures par jour consacrées à la prière n'ont rien à voir avec les sept heures de n'importe quel bréviaire d'office divin actuel. Leur valeur propre consiste dans l'indication d'un horaire
quotidien pour la prière en général, et non pour des «prières» déterminées in concreto, si ce n'est pour ce genre de prières imposées en général et consacrées par la tradition depuis les premières décades du christianisme: Le Notre Père, le Symbole des Apôtres, les psaumes 140 et 62 et quelques autres semblables.

Quant à la prière quotidienne des prêtres, il est digne de toute considération le paragraphe où, mettant de côté toutes les autres indications précédemment mentionnées, on déclare sans ambiguïté: «...les Pères ont déjà organisé des prières qui contiennent celles-ci et d'autres encore: il faut donc s'y conformer». Il nous faut donc poursuivre les traces de cette «disposition patristique».

En vue d'éclairer les textes du livre «al-Houda», par des citations choisies parmi les sources canoniques d'autres communautés orientales, nous attirons l'attention du lecteur sur les extraits suivants de deux auteurs — canonistes de l'Église Syro-Nestorienne: Ebedjesus et Arbe-lensis.

 

 

116.  — Dans l'Epitome Canonum, ou Collectio Canonum synodicorum d'Ebedjesus Sobensis (De Nisibe +1318) nous trouvons une justification du nombre septénaire des heures de prières, et de sa réduction.

«Bonus et misericors Dominus Noster Jésus Christus qui naturae nostrae infirmitatem novit... (per prophetas et apostolos) ordînavit nobis horas ad fundendum preces. Patres autem œcumenici qui et eamdem viam inierunt, monachis coenobitis tyronibus septem hasce horas injunxere.

 

«Qui vero subsequuti sunt decrevere ut uniuscujusque... horae qfficium tribus constet laudationibus: Eandem institutionem observant et casti sacerdotes, et religiosi fidèles saeculares qui orandi studium amant. «Verum posteriores Patres quum vidèrent non seque saeculares amore divi-norum officiorum fragrare, et quandoque etiam mundanas ipsorum exercîta-tiones, impedimento esse, ne prescriptae horae perficiantur, infirmitati eorum, habita curarum saecularium ratione, consuluerunt et simul praeceperunt ut quatiuor officia omnino perficerent, vespertina scilicet et quae ante somnum, et nocturna et matutina»[59].

 

 

117.  — Et voici comment le Ps. Georges d'Arbèles (Xe siècle) explique dans son «Exposé des Offices Ecclésiastiques» la raison qui amena les Pères à imposer quotidiennement la célébration d'heures déterminées pour la prière — détermination qui, d'ailleurs, les réduit à trois par jour, au lieu des quatre mentionnées par Ebedjesus:

 

«Ternas preces praeceperunt Patres ut in ecclesia persolvamus, idest, vespere, nocte et mane) ita nimirum tradunt. Et vespertinum quidem officium mMutinumque ex lege Mosis desumptum est: nam praecepit sacerdotibus, ut vespere agnum et tnane agnum quotidie offerrent [60]. «Nocturnum vero ex verbo Domini nostri et Davidis. David quidem ait: Media nocte surrexi ad confitendum tibi super judicia tua, Juste. Dominus autem: Visilate itaque quia nescitis qua hora Dominus vester venturus est... (= Ps. 118, 62; Mt. 24, 42).

 

Il ajoute encore d'autres motifs d'ordre symbolique que nous écartons pour plus de brièveté.

«Et vespertinum quidem atque maiutinum pro omnibus laicis praescriptum est; nocturnum vero quod expectationem Domini dénotât, Clericis omnibus virisque laboris amantibus peculiariter attributum est... «Haec autem alia officia, quae in Jejunio (— carême) et in Passione (= Semaine Sainte) non semper, persolvimus: nimirum très horae, quas appellamus, Tertiam, Meridiem et Nonam; item post vesperas apodipnon... Quae, quum simul cqlligimus, una cum Davide canamus: Septies in die laudem dixi tibi...» [61].

 

 

118.  — Cette digression sur les auteurs coptes et syro-nestoriens nous sert pour une éventuelle mise" au point de l'interférence des sources juridiques dans les habituales maronites à l'égard de la célébration de l'office divin entre le Xe et le XVIe siècles. Au début du XVIe siècle, commence précisément le courant connu ordinairement sous le qualificatif du «courant latinisant», qui marque, sur le papier au moins quand il n'y réussit pas encore sur les mœurs, l'évolution vers une législation coordonnée des lois et rubriques cultuelles à l'imitation de ce que proclamaient en Occident les juristes latins. Ces derniers ont trouvé en Orient, à travers l'œuvre des missionnaires, très attachés aux conclusions casuistiques apprises dans leurs séminaires de théologie, la manière la plus rapide pour modeler dans des lois synodales ou prétendant l'être, les doctrines qu'en Occident on suivait en vertu d'habitudes et traditions, créées seulement au cours d'une évolution séculaire qui n'avait très souvent d'autre justification que celle de l'influence prépondérante des ordres religieux.

 

 

119.    C'est à la lumière de ce qui précède qu'il faut comprendre le passage suivant d'un soi-disant synode réuni en 158Q sur l'intervention des  Pères Eliano et Bruno, missionnaires jésuites:

«Canon  VI du chapitre X, de reformatione» =

«Quicumque sacris ordinibus initiatur, cutn ad divinas laudes celebrandas assumatur, nam ut inquit Isaias: «Omnetn qui invocat nomen meum in lande mea creavi eum» ideo sic promotos, ex antiquissimo (?) Ecclesiae usu, omnes ad preces persolvendas apud nos consuetas teneri statuimus, ut ad alias quae a Rev. mo Patriarcha et ah aliis peritis vins ab eodem deputatis sub una communi forma constituentur».

 

Ce texte appelle les observations suivantes: Tout d'abord, dans le résumé arabe envoyé en 1578 par les missionnaires au Patriarche Rizzi, on Usait: le clergé, c'est-à-dire le Patriarche, l'archevêque et l'évêque, le curé et le prêtre, le diacre et le sous-diacre sont tenus aux sept heures chaque jours» [62]. En plus il y a bien des motifs pour croire que ce synode n'a point en fait eu lieu. D'un côté, en effet, l'on sait que le texte latin, ci-haut cité, est tiré des Archives de la Compagnie de Jésus[63]; qu'il n'a pas eu d'approbation pontificale quelconque; que le texte lui-même qu'on en conserve est une copie faite par le P. J.B. Eliano en personne en septembre 1580[64]. D'autre part le Patriarche Sarkis Rizzi a officiellement protesté contre ce synode, le dénuant de toute valeur historique et juridique. Nous en aurons la preuve quelques années plus tard dans les actes du synode réuni sous sa présidence et celle du nouveau Légat Pontifical Jérôme Dandini[65].

 

 

120.     En tous cas, il en ressort que l'intention était:

1)       d'élargir l'obligation de l'Office divin; ainsi de la célébration publique on commence à prévoir celle privée;

2)   d'incorporer dans l'office divin quotidien des pièces qui étaient auparavant ad libitum, vel ad casum, en augmentant le nombre d'heures de trois a sept, et en assignant en concret pour chaque moment de cet «horaire septénaire» un ensemble déterminé de prières vocales: c'est pourquoi on prévoyait l'intervention du Patriarche et celle des experts par lui députés pour une réorganisation des offices, afin de les rendre conformes aux nouvelles exigences.

 

Cette dernière idée est restée en l'air, consignée seulement dans les actes d'un prétendu synode existant uniquement dans les dossiers du Père Eliano; elle trouvera dans les initiatives du P. Dandini[66] et dans le synode du Mont Liban son écho le plus proche de la réalité[67]. Dans la IIIe section, nous reprendrons l'étude des réformes prévues dans le Synode de 1736 et de leurs répercussions sur notre sujet; mais auparavant, il nous faiit rassembler dans le prochain chapitre les précisions déjà formulées sur les sujets tenus à la prière officielle, ainsi que sur la manière et les modalités de célébration de ces prières.

 

 

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CHAPITRE   VI

LES  MEMBRES

DE LA «COMMUNAUTÉ HIÉRATIQUE»

OU LES SUJETS  DE  LA  CÉLÉBRATION

DE   L'OFFICE   DIVIN

 

121.    L'exposé de toute la question de l'office divin dans les manuels de théologie morale, de droit canonique ou de liturgie, et aussi dans la majorité des études publiées là-dessus, est généralement faussé à son point de départ à cause d’une perspective forcément déficiente qui s’impose à tous ces auteurs.

Nous avons eu déjà l'occasion de souligner quelques-uns de ces écueils. Nous les exposerons maintenant en fonction des sujets soumis à la célébration de l'office divin dans l'antiquité.

 

Il y a tout d'abord une limitation néfaste à la solution logique du problème :

1°) Chaque fois que la matière et le mode de célébration de la prière sont envisagés seulement dans les bréviaires d'origine purement monastique et sous leur formulation actuelle,

2°) Chaque fois que la prière publique[68], c'est-à-dire communautaire, est confondue, ouvertement ou non, avec la prière individuelle qui n'est qu'une donnée de dévotion pouvant avoir des attaches soit avec un lieu déterminé (sanctuaire, cathédrale...) ou avec un horaire déterminé, ou avec un état de vie spécial. L'une est volontaire, (les ascètes... s'obligent eux-mêmes, ou acceptent spontanément une obligation libre), l'autre est, au contraire, foncièrement obligatoire: les chrétiens, par le fait même qu'ils sont une «communauté hiératique», doivent prier d'une façon organisée par Vautorité qui exigera le minimum ou le maximum de chacun selon ses attributions dans la vie de la communauté.

3°) Enfin chaque fois que l'obligation qui concerne les sujets si différents entre eux, est considérée univoquement; car l’on devrait revenir d'abord à un réajustement des deux perspectives précédentes, pour aboutir à une meilleure distribution des obligations, et pour mieux situer les différents sujets face à ces obligations.

 

Une sérieuse considération des sources anciennes ne nous permet plus de confondre la prière publique avec la «prière» chorale, de même qu'un office divin n'équivaut pas exactement à l'institution des heures canoniques.

Dans chacune de ces dénominations, il existe des nuances (et un surplus de signification) qui les distinguent les unes des autres tout en les faisant reposer sur la même base.

 

 

122. — La prière publique des premiers siècles a eu une attache directe avec la divine liturgie: c'est là un élément important parmi ceux qui la caractérisent, à l'exclusion des autres prières, étant la «prière officielle» de l'Église, communauté ou société du «peuple priant». C'était la prière proprement communautaire.

 

Les textes de Tertullien, comme ceux de Clément d'Alexandrie et de la Didaché cités plus haut, nous informent de trois moments («heures») désignés pour la prière officielle. Ces heures cependant n'ont pas le même contenu que les «heures canoniales», et ne correspondent pas en tout à la division ni à Pubication dans la journée des «sept heures» du Bréviaire monastique.

 

De même l'identification des trois heures indiquées par Tertullien crée un problème difficile. Est-ce que l'heure du matin tombe exactement à l'aube, au moment du lever des orientaux qui sont généralement très matinaux, ou bien vers 9 heures du matin qui correspondrait à la dénomination de Tierce?

Est-ce que l'heure du soir qui coïncide avec le déclin visible du soleil vers le coucher peut se confondre avec la prière du sacrifice «ves-pertinum» du Temple de Jérusalem (= None), après son changement d'horaire sous l'influence de la Mischna[69] ou bien reste-t-elle comme l'équivalent de l'offrande de midi selon l'ancien usage du Temple? Alors ce serait l'heure de sexte qui tout en correspondant au midi aurait été le deuxième moment de prière dans la journée (= en corrélation lointaine avec l'heure de «Ramscho» et en rapport direct avec l'offrande des aliments au Temple)[70].

Consécutivement à la solution que l'on adopterait ici, l'heure de none se trouverait en harmonie ou bien en divergence avec le troisième moment qui est consacré à la prière d'avant le sommeil (= soutoro).

 

 

123. — La vérité sur toutes ces questions, à notre avis, ne peut être tirée au clair, qu'en supposant l'existence de fait de trois moments dont deux an moins étaient officiellement suivis partout, mais que chaque région adaptait à ces us et coutumes et aux circonstances poli­tiques qu'elle traversait. Ainsi en Syrie, Euphrate et Bitynie, la prière du matin aurait eu lieu à l'aube, tandis que dans les régions de la Palestine, et ailleurs, où les juifs imposaient encore leurs habitudes en con­formité avec les horaires du Temple de Jérusalem, la même heure serait célébrée par des prières officielles vers 9 heures du Matin (d'où Tertia). Et ainsi de suite pour les autres heures.

Eu égard toujours aux écarts plus ou moins considérables dans les horaires et avec l'avance toujours prépondérante du mouvement monacal, apparaît ultérieurement la superposition de ces moments (Saphro + Tierce; Ramsho + Sexte; Soutoro + None) qui, par l'addition des 3 ou 4 stations de la Nuit (= Leylo) constituèrent les présentes sept heures canoniales du Bréviaire latin et du Bréviaire syro-maronite.

 

L'office divin, en tant qu'obligation des membres de la «communauté hiératique» n'est pas à confondre avec cet agglomérat tardif; et l'obligation elle-même ne peut plus provenir d'un même principe de droit ou de morale, ni s'étendre, à parité de vis obligaloria à tous les membres de la communauté chrétienne indistinctement.

Clément d'Alexandrie nous offre la possibilité de reconstituer la «mens primitiva» des chrétiens non gnostiques, et celle des gnostiques prétendant à la perfection à travers la libre soumission aux préceptes de l'ascèse.

Il oppose les «nonnulli» et les «aliqui alii» au «genus electum» (= gnosticorum). Les premiers, ce sont les chrétiens laïcs et la hiérarchie de l'Église qui ne peuvent se permettre tous les caprices et les saintes initiatives des «gnostiques». Mais ils ont, en échange, prescrit, donc décrété[71] un ensemble de disposition qui exigent formellement la récitation de la prière vocale considérée comme un devoir «sacrificium labiorum» dont l'actualisation doit se faire en commun, à fréquence régulière.

 

 

124.     Et voici comment ont été conçues ces dispositions:

1°)  L'autorité, car elle seule peut le faire, désigne des moments bien déterminés pour la prière quotidienne.

2°)  Surtout les moments du lever, un autre dans la journée, et le dernier avant de se coucher, sont fondamentaux[72], et donc pratiqués même par les gnostiques. En plus,

3°)   les gnostiques s'attribuent le mérite de pratiquer le précepte (?) de la prière incessante suggéré par le «septies in die» du Psaume 118, qu'ils entendent cependant comme nombre symbolique signifiant une quantité indéfinie et illimitée et non pas sept fois seulement.

4°)  De son coté, l'autorité hiérarchique s'est contentée d'ajouter aux moments quotidiens quelques autres limités par les circonstances suivantes:

a)   in definito loco (= que nous osons identifier avec les lieux que chaque fois l'évêque, dont il est question dans les Constitutions Apostoliques (VIII, 34), désignait nommément: soit donc une maison privée, soit une chapelle, soit enfin «à ciel ouvert» dans une forêt.

b)   in templo selecto (= une cathédrale par exemple, ou un sanctuaire comme celui de l'Anastasis de Jérusalem, où l'amuencc de pèlerins est particulièrement considérable).

c)    in diebus aliquibus festis (= qu'il s'agisse des dimanches de l'année, ou bien des autres jours de fêtes locales, anniversaires de martyrs, ou occasions opportunes de fêtes païennes).

d)   in diebus aliquibus praestitutis = c'est une allusion plus que parlante aux jours de station, ou jours d'eucharistie et déjeune à la fois (?), comme les vendredis d'abord et les mercredis et samedis ensuite.

En toutes ces occasions et circonstances, l’autorité hiérarchique prévoyait donc, pour tous les chrétiens, qui en rcssortîssaient, des moments extraordinaires de prière officielle.

 

 

125. — Dans la conduite primitive de l'Eglise nous trouvons donc des offices célébrés publiquement à certains moments de la journée, souvent d'après un cycle hebdomadaire, mais parfois d'après certaines circonstances ou périodes de Tannée. A ces «réunions = conventus ecclesiae» étaient obligés tous les chrétiens sous peine de déchoir de la communauté, et en particulier tous les clercs situés à la tête de la communauté locale.

Encore un point très important à remarquer ici: les clercs dont on parlait à ces époques lointaines ne correspondent pas, en principe, à ceux que nous appelons aujourd'hui «clerici in sacris ordinibus constitutif. En effet, jusqu'à une époque relativement récente dans l'histoire de l'Église orientale, les ordres mineurs (y compris le sous-diaconat), étaient conférés, parfois même à titre honorifique, aux personnes laïques sans que leur état social (juridique ?) en subisse un changement important[73].

A notre avis le mot «clerc» dans le langage des sources anciennes, au moins pour ce qui concerne l'Orient Antiochien, ne suggère d'autres droits et obligations que dans la mesure de l'ordre sacré qu'il confère: faute de quoi les soi-disants clercs avaient substantiellement les mêmes droits et obligations que les autres laïcs chrétiens.

 

 

126. — La célébration des trois moments fondamentaux de la journée chrétienne de la part des clercs ainsi conçus et des laïcs (= communauté hiératique) est sujette à plusieurs déterminations:

Elle est publique autant que possible; c'est-à-dire qu'elle doit grouper un certain nombre de participants dans un lieu ou «station». L'insistance de Clément d'Alexandrie, des Constitutions Apostoliques, et d'autres sources sur les «locis et templis praeconstitutis», démontre clairement que ces «moments de prière officielle» ont une attache normale avec certains lieux, mais qui peuvent tout de même admettre des exceptions. Ces lieux ont à leur tour une valeur qui provient, non de la réunion en soi, mais de la divine liturgie et de la prière officielle qui s'y font[74].

 

Elles sont le cadre de la célébration eucharistique, et de tout événement qui rappelle les mystères de la personne achevée du Christ: Agape, Fêtes Seigneuriales, Anniversaires des Martyrs, et de Leur Prototype, d'où la station hebdomadaire du vendredi et du Triduum de la Semaine Sainte. Cette publicité ne délie pas les absents pour juste cause, du devoir de célébrer ces trois moments de la journée par une communion d'esprit avec les participants à la «station»[75].

A parité de temps, correspond pour tous les fidèles une égale obligation. Seule la «materia rogabilis seu orationis» dont sont sanctifiés ces trois mioments de la journée distingue et différencie l'obligation remplie en réunion ecclésiale ou en dehors d'elle. Cette parité a été abandonnée par suite de la multiplication d'une part des absents, et d'autre part des moments indiqués pour la prière.

On en arriva à confondre «l'heure de prière» avec l'heure d'un cursus ou d'un office divin comportant une psalmodie agrémentée de textes bien déterminés. L'obligation de l'office public disparaissait d'autant plus vite que la célébration elle-même n'était plus adaptée aux besoins et aux exigences du public chrétien, c'est-à-dire du commun des membres de la société chrétienne.

 

 

127. — Tandis que la célébration primitive des moments prescrits pour la prière officielle était éminemment «collective», la célébration privée se développait graduellement dans les agglomérations particulières. D'abord, c'étaient les chrétientés locales, puis les paroisses qui constituaient les collectivités, obligés «in solidum», à la célébration des heures de prières quotidiennes et hebdomadaires. Ensuite la «materia rogabilis» augmente, mais l'obligation n'en est imposée qu'à un nombre réduit de sujets: moines, ascètes des sanctuaires et cathédrales, et plus tard chanoines, bénéficiaires  etc.. [76].

 

Mais où apparaît-elle encore l'obligation des clercs proprement dits ?

Il faut se pencher à nouveau sur les fondements de l'obligation des clercs à la célébration d'une prière officielle pour pouvoir reconstituer la notion elle-même de l'obligation de ces clercs.

Les premiers textes législatifs que nous avons analysés n'avaient en vue que la célébration publique, et officielle de la prière[77].

En dépassant les limites de cette célébration publique, les coutumes qui en différaient ne pouvaient plus invoquer en leur faveur les textes législatifs primitifs. En effet, les passages d'auteurs patristiques et de synodes postérieurs à l'interférence des cursus monastiques dans les cursus «ecclésiastiques» primitifs, ne sont plus que des invitations d'esprit ascétique qui nous montrent une époque de ferveur ou un moyen de plus pour la sanctification personnelle à travers la pratique de la prière septénaire du Bréviaire, mais ne peuvent en aucun cas constituer une source d'obligation concrètement morale ou juridique[78]. Pris à la lettre, leur teneur n'inspire pas, en fait, l'intention que leurs auteurs veuillent vraiment étendre par une loi ayant toute sa force juridique, l'obligation de la récitation intégrale d'un cursus d'origine monastique à tous les «clercs» sans distinction des charges qu'ils occupent ni des faveurs dont ils jouissent[79].

 

 

128. — A la double restriction qu'il faut donc appliquer à notre évaluation de l'obligation d'une «prière officielle», c'est-à-dire la restriction par rapport à Vensemble de la collectivité, et aux intervalles de temps ou nombre d'heures, il faut ajouter encore une troisième, concernant la matière même qui est ainsi rendue obligatoire ou non, selon la situation des «Heures» par rapport aux sujets qui y sont astreints et vice versa.

Si l'on veut retenir les éléments constitutifs de cette célébration cultuelle que nous recueillons çà et là dans les sources anciennes nous nous trouvons en face de bien peu de précisions. La prière dominicale, le symbole de la foi, quelques psaumes davidiques dont le nombre est réduit à une dizaine près, et en particulier les psaumes 62, 140 et 148 [80].

Mais une analyse des constitutions anciennes et des passages patris­tiques nous permet d'y ajouter plusieurs cantiques et homélies d'inspi­ration exclusivement chrétienne suivies par des litanies, des prières d’intercession pour les membres besogneux de l'assemblée et de la communauté, et enfin des bénédictions de la part du prêtre ou hiérarque, président.

 

Toute idée d'une répartition ordonnée de l'ensemble des psaumes davidiques est absolument à écarter de ces prières officielles de la «communauté hiératique»; car ou bien elles cessent d'avoir leur caractère officiel et public, au vrai sens du mot, et partant elles cessent d'être obligatoires, ou bien il leur manquera la note communautaire, de collectivité présidée par ses prêtres, et elles seront réduites à des initiatives très louables de personnes privées qui, «ad instar gnosticorum Clementis», embrassent volontairement une vie de perfection dépassant les possibilités de la majorité des fidèles, et l'on aura une loi, en un certain sens, surérogatoire, les obligeant eux seuls.

 

Pourtant, le passage du Nomocanon de Ibn-al-Assal est très suggestif à ce propos; il nous le donne d'ailleurs comme un extrait du 19° canon du concile de Laodicée:

«Les Pères ont déjà organisé des prières qui contiennent celles-ci (= le Pater, les quelques psaumes, et les cantiques...) et d'autres encore: il faut donc s'y conformer»[81].

 

 

129. — Comme nous l'indiquions au paragraphe précédent, l'identification des pièces et des textes de la «prière», de même que celle des moments et des heures, a suscité, au sujet de Tertullien, (et on peut le dire, à propos de tous les autres Pères), un problème difficile à résoudre sans sortir du cadre de la critique textuelle.

 

Tertullien parlait de «orationes legitimae» obligatoires matin et soir[82]. Puis, dans le même ouvrage, l'on remarque qu'il parle aussi du Notre Père comme d'une «légitima et ordinaria oratione». Ce qui a fait supposer à Harnack, d'ailleurs gratuitement, que la prière légitime des heures quotidiennes était seulement le Pater[83] ; en sens inverse, les auteurs catholiques en sont arrivés à la bannir presque de la récitation de l'office divin pour lui chercher une place plus officielle[84].

 

Or nous croyons que la seule conclusion possible des deux passages de Tertullien est que, dans la discipline de la communauté chrétienne, il y avait plusieurs textes de prières considérés comme légitimes, en ce sens qu'elles émanaient d'une autorité divine (= le Pater) ou apostolique. L'une n'excluait point l'autre, mais toute prière chrétienne étant fondée d'abord sur celle enseignée par le Seigneur, elles se complétaient réciproquement. Reste à savoir quelles sont les pièces — cantiques, psaumes ou homélies — par lesquelles les Pères ont voulu encadrer la Prière prescrite par Notre Seigneur et la divine Liturgie par Lui instituée.

Pour l'Eglise Syro-Maronite, nous avons déjà opté pour retrouver ces éléments à travers les différentes heures du Bréviaire hebdomadaire (c'était notre Ille chap.) qui recueillent des compositions doxologiques ou parénétiques provenant soit de l'âge apostolique soit surtout de l'époque patristique  (IVe-VIIe siècles).

 

 

130.  — L'étude précédente nous permet maintenant de donner une vision schématique des notes dïstmetives qui nous éclairent sur les différents sujets soumis à l'obligation de célébrer «la prière officielle» de la communauté chrétienne.

 

Ces notes proviennent, non seulement de l'universalité et de la publicité (= socialité) de la «prière officielle» mais surtout de la matière ou des textes employés, ainsi que de la distribution et fréquence des temps consacrés à cette prière, et qui peuvent donc être ou non adaptés aux réunions communautaires.

 

Il y a d'abord une prière quotidienne, le matin et le soir, qui peut être collective ou individuelle, mais qui oblige en tout cas tous les chrétiens, les clercs y compris naturellement. Elle n'est pas cependant «officielle».

 

Il y a ensuite une prière quotidienne «officielle» qui se prête, tant par la nature de ses textes que par le nombre réduit des moments désignés dans la journée, à être célébrée par tous les membres de la «communauté hiératique» des chrétiens, qu'ils soient simples fidèles ou initiés déjà à l'ordre sacerdotal. Ce sont les prières du «cursus ecclesiasticus», du matin à l'aube, du soir dans l'après-midi et du Soutoro ou Apodipnon avant d'aller se coucher. Ces heures ont eu une disposition des matières ou de textes ordonnés substantiellement par les «Pères» de chaque rite ou patriarcat selon l'idiosyncrasie et la richesse littéraire chrétienne de chaque province. Ces trois heures, dont la matière, les moments et le mode d'exécution répondent aux exigences de l'ordre juridique sont susceptibles d'être imposées par une loi juridique. Les autres heures quotidiennes n'obligent qu'en vertu d'un principe de justice commutative par rapport aux bénéficiaires, ou en vertu d'une dévotion ascétique par rapport aux religieux, moines, et autres ascètes.

 

 

131. — A moins donc de renoncer à la «socialité» de la prière officielle pour en faire un «exercice de piété» individuelle, l'on ne peut pas imposer raisonnablement à la «ecclesia» un bréviaire d'office divin composé de sept heures, constitué de pièces n'ayant pas une attache manifeste avec les dogmes et les sacrements de la société chrétienne, et, par surcroît, rédigés dans une langue que «la communauté» ignore et néglige d'y participer.

 

Mais ceux qui sont initiés à l’ordre sacerdotal, peuvent y être obligés à un autre titre: celui même de leur sacerdoce, de la médiation christologique à laquelle ils participent[85]. Néanmoins, il reste bien vrai, que seulement les trois heures sus-mentionnées peuvent répondre aux exigences de la médiation sacerdotale: toute autre différence de matière ou d'adjonction d'heures irait à l'encontre de la médiation sacerdotale elle-même qui comporte encore de multiples «opéra Dei», autres que la seule «prière vocale»!

On le remarque d'ailleurs, et déjà depuis le temps du pèlerinage d'Ethérie à Jérusalem, où Pcvcque et l'ensemble du clergé voués au ministère pastoral n'assistaient régulièrement — ni semble-t-il obligatoirement — qu'aux heures du matin, du soir, et des autres fonctions cultuelles supplémentaires des dimanches et jours de fêtes préétablies[86].

 

 

132. — Dans l'époque qui nous occupe ici — des origines jusqu'au XVIIIe siècle — les clercs, surtout ceux des campagnes, n'avaient pratiquement rien à faire en dehors de leur messe, de l'office de la prière et quelques rares œuvres de ministère paroissial.

 

D'autre part, la préparation aux ordres sacrés, ne requérait ni tant d'années de séminaire ni tant de matières d'examen. L'on conçoit donc que la hiérarchie ait encouragé l'impression d'un bréviaire plus étoffé et l'augmentation des heures canoniques en recourant aux cursus monastiques afin d'assurer indirectement la «lectio divina» de l'Écriture Sainte et des Pères de l'Eglise, pour qu'en résulte de jour en jour une instruction plus étendue en matière religieuse chez les prêtres.

 

Après l'établissement des séminaires, la multiplication des «opéra Dei» pour le clergé diocésain, et les possibilités de la typographie, l'on peut être tenté de surcharger encore de la même manière les devoirs de tous ceux qui participent à l'ordre sacerdotal.

Mais pour la vérité historique, on ne peut pas se permettre de penser que, pour les syro-maronites, par exemple, les 18 premiers siècles se soient écoulés avec une identique obligation — légitime ou juridique — pour clercs et laïcs de réciter le même formulaire ou bréviaire. Nous croyons plutôt que la prière officielle, donc publique, communautaire et obligatoire, était taxativement constituée de trois heures quotidiennes dont la matière pouvait varier au choix — selon qu'on disposait ou non de collections pour les offices particuliers — entre les offices du cycle hebdomadaire, et du cycle annuel ou temporel.

 

Un manuscrit conservé à la Vaticane[87] ne donne des heures du cycle hebdomadaire que celles du matin et du soir, à l'exception du Vendredi et du Dimanche dont il rapporte l'office septénaire. Le format étant assez réduit pour permettre la mise en poche, nous suppo­sons que la récitation privée, à l'époque de ce manuscrit, n'impliquait point l'obligation des heures restantes à l'exception de celle de l'apo-dipnon ou soutoro dont la disparition comme prière quotidienne célébrée en communauté de fidèles est de date tout à fait récente.

Cela signifie en même temps que la dissolution des «communautés priant officiellement» a marqué le point de départ de la récitation privée des heures canoniques obligatoires de la part du clergé participant au sacerdoce (—in sacris), et qu'avant cette date on ne pouvait pas concevoir ce que nous désignons aujourd'hui par récitation individuelle et privée du bréviaire.

 

 

133. — A l'appui de ce qui précède il suffit de rappeler que la réci­tation de «l'office divin à sept heures quotidiennes», exécutée seulement par esprit de dévotion, d'ascèse ou comme tout autre exercice de piété individuelle — donc tous les cursus élaborés par les moines, les ascètes etc.. — n'a jamais été l'objet d'une loi à portée juridique émanée de l'autorité hiérarchique compétente. Cela précisément parce qu'on ne pouvait plus considérer les actions entreprises individuellement ou pour des fins privées comme susceptibles d'obliger universellement ceux qui — laïcs ou clercs — par leur vocation même, étaient appelés à d'autres tâches et à soutenir d'autres charges autant nécessaires qu'importantes sur le niveau social et pour des fins non plus d'utilité privée mais communautaires et publiques.

 

Enfin les ascètes et les moines pouvaient, à la rigueur, réaliser leur fin propre par des procédés de prière qui n'avaient rien de commun avec la «prière officielle». Soit que leurs offices aient comporté plus de lectures que de prières proprement dites, soit qu'ils aient trop répété les mêmes textes du psautier davidique ou d'autres cantiques risquant la routine et l'indifférence à l'égard de textes que les simples tenaient pour des formules magiques opérant par elles-mêmes, soit enfin qu'ils aient prévus pour le moine moins doué la possibilité de remplir ses devoirs de «prière monacale» à travers la reprise du seul psaume qu'il connût[88], nous ne nous trouvons plus devant une «prière officielle réglée et organisée par la hiérarchie pour l'utilité de la communauté des chrétiens» en prière.

Les prêtres étaient soumis aux exigences de la prière «officielle» mais rien de juridique ne les obligeait encore à la prière dévotionnelle dont ils s'acquittaient chacun selon ses possiblités et sa ferveur en privé, sans pour cela confondre une obligation avec l'autre.

 

 

134.  — Pour compléter ce chapitre sous l'aspect historique de la période étudiée, il nous reste à apprécier les difficultés qui surgissent à l'encontre de nos conclusions précédentes de la part de deux facteurs assez importants: les trois éditions du «Grand Bréviaire» de 1625, 1647 et 1717 et les dispenses de la récitation quotidienne de ces bréviaires accordées à la demande de certains clercs maronites par la S. Congrégation de la Propagande.

 

Plus de cent ans avant la réunion du Synode libanais de 1736 où se formula la première loi obligeant à la récitation privée du bréviaire d'office divin, nous nous trouvons en face d'un problème réel suscité par le projet de l'édition d'un bréviaire d'office communautaire par sa nature, et de sa réalisation à Rome en 1625.

 

En fait, ce recueil d'heures canoniques propres des maronites, tout en conservant les caractéristiques de «prière officielle» des premiers siècles n'a point résisté au cours des âges, à une foule d'infiltrations des habitudes monacales dont la plus évidente est l'adjonction des heures de Tierce, Sexte et None, doublant celles de l'aube, de l'après-midi et du coucher, en plus des quatre nocturnes de chaque nuit!

 

A remarquer en outre, que cette même édition, n'a pas exclu les nombreuses pièces réservées à l'usage exclusif des moines et intitulées en rubrique: «1-dayroye = pour les moines»!

 

 

135.  — Dans le IIIe chapitre de cette étude, nous avions tenté de revaloriser ces infiltrations aussi bien que les caractéristiques originales de notre Bréviaire actuel. Ici, il nous faut avouer que les éditions de 1625, 1647 et 1717, similaires quant au fond et reproduisant toutes les trois les formules d'une prière communautaire, imposèrent ou prétendirent le faire pratiquement, un cursus hebdomadaire de prières quotidiennes, qui appelait encore à son secours bien d'autres «cursus» tout le long de l'année; mais évidemment elles ne s'accommodaient pas à une prière individuelle, et privée ni ne la favorisaient.

En effet, dans leur récitation quotidienne en privé, la monotonie survenait inévitablement au bout de quelque temps, et la fatigante longueur de textes (ennuyeux s'ils sont lus, mais agréables sils sont chantés en communauté), ne tarda pas, dès 1622, à pousser plusieurs parmi les élèves et les anciens du Collège Maronite de Rome, si exposés en ces temps là à l'influence grandissante de la latinisation, à en demander, pour acquit de conscience une dispense régulière[89].

 

 

136. — Evidemment, la difficulté pour tous les orientaux surgissait et surgit encore du contraste intérieur provenant de trois sources principales :

     une prière communautaire que l'on voudrait imposer comme formule de prière quotidienne nettement privée;

     des heures ou moments de prières multipliés ou se doublant l'un l'autre sans conserver aucune attache avec la fonction sociale du sacer­doce, ni avec la divine liturgie;

     et enfin, le motif spécial, inattendu et insoupçonné pour une mentalité latine actuelle, suscité, surtout autrefois, pour les clercs orientaux, par le fait que l'office de l'aube faisait corps avec la liturgie de la messe dans sa partie dite «messe des catéchumènes».

 

Les traces de cette union entre l'office de l'aube «safro» ou «orthros», et la célébration du saint sacrifice sont encore visibles à la plus superficielle analyse du Missel syro-maronite.

Devait-on donc accomplir deux fois le même office? Question embarrassante à laquelle devait s'ajouter normalement cette autre: Pouvait-on commencer la messe sans la terminer, c'est-à-dire entreprendre l'office de l'aube ( = messe des catéchumènes) sans l'achever par l'Eucharistie  (=  messe des fidèles)?

 

Ne faisant plus la seconde célébration, on néglige facilement la première. C'était le cas de certains orientaux dont il est dit au Concile du Vatican: «non teneri illos ad statam divinarum laudum celebratio-nem... nisi in ecclesia tantum vel quando sanctum Missae sacrificium sunt celebraturi»[90].

 

C'est ainsi, croyons-nous, qu'il aurait fallu le plus souvent affronter les difficultés, controverses et réticences des orientaux à se soumettre à un office divin quotidien qui ne tînt pas compte dans sa formulation de toutes ces réalités et ces questions problématiques.

Les demandes de dispense mentionnées plus haut ne jouent donc pas en faveur de l'obligation de la récitation privée puisque, à cette époque, nous étions encore prépondéremment en face d'une «prière officielle communautaire» et que le bréviaire édité lui-même, malgré le nombre septénaire de ces Heures représentait toujours un office fait pour «une communauté hiératique» et non pour un individu ou pour plusieurs «individus» de celle-ci[91].

 

 

137. — D'ailleurs rien ne nous empêche de supposer que la Hiérarchie, présidant «toute célébration de prière officielle de la communauté hiéra­tique» ne procédât avec plus de bon sens et de largeur de vue traditionnelle en invitant la communauté priante, dans ce Grand Bréviaire à choisir parmi les sept heures quotidiennes deux ou trois seulement qui eussent convenu le mieux soit aux besoins spirituels des fidèles, soit aux circonstances temporelles de cette célébration. C'est-à-dire que dans ce choix, et dans la préférence d'une «Heure» d'office à l'autre, on eut égard à Poccurence des fêtes du cycle annuel (paschal, quadragésimal) et à la contingence entre la nature de l'heure à célébrer, et le moment exact de la journée où l'assemblée se réunissait en fait pour le faire. Le recueil des offices pour le Carême, laisse percevoir une pareille preuve à l'appui de ce que nous venons de dire, car il n'a que les textes des heures «du matin et du soir», celle du «soutoro» devant être toujours célébrée sans variation ni changement dans le bréviaire férial, puisque son but était de sanctifier les moments qui précèdent le sommeil.

 

Nous sommes convaincus que nos Anciens auraient trouvé illogique en ces -temps-là de célébrer — si jamais — les nocturnes à midi, et les petites heures à la nuit tombante!

Aussi dans une fête seigneuriale, on laissait de côté les formulaires de l'office de la férié occurente, pour adopter à leur place, ceux du Phenkite, ou autres recueils du cycle annuel.

 

Il nous paraît donc assez clair que pour toute cette période (des origines à 1736) l'on ne peut pas prétendre des faits ou des preuves indirectes conclure à l'existence d'une loi qui imposait une récitation «individuelle» ou privée d'un bréviaire de sept Heures quotidiennes aux membres de la «communauté hiératique» ou à une seule partie de celle-ci: les clercs participants au sacerdoce «=in sacris ordinibus constituti». Il en ressort, cependant, une tradition ininterrompue autour de l'obligation effective pour tousi et urgente au moins pour les clercs in sacris, à célébrer trois «heures canoniales» quotidiennement.



[1] Remarquez que la rédaction définitive du can. 76 oriental (corr. au 135 CJC) a reçu dans le m.p. Cleri Sanctitati une teneur qui reprend exactement celle du CJC 135, en ce qui concerne notre observation ci-haut énoncée.  ...

[2] Cfr.  S. Petrozzi: Le obligaz. romane, 1903.

[3] Def. à attribuer probablement à Papinien; cfr. Petrozzi, Ist. Dir. Rom. p. 11.

[4] Petrozzi, ib. p. 15.

[5] L. 3 pr. D. 44, 7.

[6] Inst. 3,   13.

[7] Cfr. P. Bonfante, Istit. D.R. Torino 1946, p. 373.

[8] Les scholastiques confondront le lien moral avec le lien éthique, et diviseront l'obligation en active sumpta et passive sumpta... Quant aux auteurs contemporains, cfr. Van Overbeke qui commence néanmoins par déclarer que «multa multoîies in re juridica apud varios Auctores sub respectu phulosophico insufficienter stabiliuntur praecise, ut nobis saltem vidstur, quia nonnunquam apud ipsos Auctores stabile desideratur systema philo-sophocum...» in Epkem Tkeol. Lov.  1934, pp.  289-346.

[9] Cfr.  S.  Petrozzi, op. cit. p.  60.

[10] G.B. Vico: De universi iuris uno principio et fine uno, Prolog. N° 2.

[11] Cfr. G. Graneris : Contributi... p. 14 ; S. Petrozzi, Le Obligazioni Romane... p. 152 «Ma il critico che mancô nella scienza bizantina del diritto giustiniano mancô anche nella rinnovata scienza occidentale di esso. Coi glossatori e dai glossatori in poi per molti secoli, tolto qualche spirito ribelle, i libri giustinîanei furono letti in ginocchio. E ha ragione il Renan di dire che. stando in ginocchio si legge maie... (L'Ecclesiaste, p. 67).

[12] J. Graneris, Philosopkia y uris, R. 1943, Il (schemata). III (schemata) 1949.

[13] Lib. XIX, c.   13, ML 41, 640.

[14] Les scholastiqucs disent: quibus homo bene disponitur in seipso.

[15] Quibus homo bene disponitur in ordine ad alium.

[16] Ce sont les can. 135 et corrélatifs dans la codification occidentale, et Gan. 76 et corr. de la Cleri Sanctittali promulgués pour l'Église Orientale, après la défense de cette thèse.

[17] St Thomas l'a bien rémarqué en disant que les relations des hommes dans la communauté civile ont lieu à travers les actes externes. S. Th. II-II p. 58,8 et I-II, 100 2 = Lex enim hurnana ordinatui ad commurûtatem civilem quae est homînum od invicem. Homines autem ordinanlur ad invicem per exleriores actus.

[18] S. Th. 11-11, p. 58, 2.

[19] L'expression de St Thomas à ce propos est parlante : opus quasi habetis rectiiudinem justiliae etiam non considerato qualiter (i.e. quo anima ab agente) jxat» II-II, 57 arts. 1 et 2.).

[20] La coactivité ne peut être un élément absolument essentiel de la loi puisqu'elle ne peut avoir d'effet et de valeur qu'en fonction des-dispositions psychologiques du sujet de la loi: il y a des personnes qui obéissent aux lois les moins coactives, et il y en a aussi qui ne respectent pas même la loi dont l'infraction comporte la peine capitale. La coactivité caractéristique des lois juridiques est donc une qualité relative non absolument exigée dans le concept spéculatif des lois!

[21] Cfr. Graneris, Contribua... p. 134/35.

[22] « Est igitur ordo iuridicus illa pars ordinis moralis, quae tota in excrcîtïo omnis et solius virtutis iustitiae versatur... Quapropter ordo iuridicus non atur...nisi in illis operationibus quae sunt stricto sensu operationes justitiae... Omnis lex, vel est ipsa lex naturalis vel ab ea aliquo modo derivatur, si est lex positiva. Haec enim non est lex, nisi inquantum est determinatio legis naturalis, eodem pacto ac jus positivum jus non est, nisi ut determinatio iuris naturalis»!!!

Cfr. Van Overbeke, in Ephem.  Tkeol. Lovan. art. cit., pp. 290, 312 et 313.

[23] Mt.  18, 20.

[24] Cfr. Didaché VIII, 2-3.

[25] Le «jus Canonicum» repose sur un fondement immédiat (— sans quoi il n'aurait aucune valeur pratique —): c'est, le «Jus divinum implicite revelatum» qui a veillé à l'institution même de la «Société des Chrétiens». En ce sens, l'autorité divine qui est en dernière analyse la seule qui légifère dans la société des hommes baptisés et dont l'autorité compétente ecclésiastique n'est que le porte-parole et l'interprète, fait devenir la loi canonique entièrement et pleinement juridique. Sous cet aspect, en effet, le droit divin complète dès maintenant, — et son apport sera concrétisé au jour du jugement universel — ce qui manque parfois à la loi canonique comme notes ssentielles de juridicité:  la coercibilité et les sanctions.

[26] En ligne de principe c'est la prière vocale communautaire que nous entrevoyons chaque fois que nous entendons affirmer la juridicité des lois qui obligent à cette célébration — si toutefois ces lois existent et sont en vigueur!

[27] «Ad satisfacîendum sufficit recitatio vocalis, seu verborum pronuntiatio ita ut motu linguae ac labiorum vox aliqua saltem tenuîs formetur». Sic omnes passim post S. Alphonsum.

[28] Cfr. 1. c. VII, 7 in P.G. 9, 449.

[29] ib. col. 455.

[30] Cfr. Paedag. II, 4, P.G. 8, 443.

[31] Cfr. Didacké ch.VÎU, éd. B.A.C. Padres Apostolicos, Madrid 1950 pp. 85 et 41-42.

[32] Cfr. De Oratione, ch. 23, PX. I,  1191/92.

[33] ib. ch. 24 col.  1192; cfr. etiam Acta 27, 35. (3 ib. ch. 25 colis. 1192/93.

[34] Cfr. ib. ch. X col. 1165 «et sunt quae petantur pro circumstantia cujusque, Praemissa légitima et ordinaria oratione, quasi fundamento, accidentium jus est desiderio-rum, jus est superfluendi, extrinsecus petitiones, cum memoria tamen praeceptorum ne quantum a praeceptis tantum ab auribus Deî longe simus».

[35] Cfr. Vairon, V° de lingua latina. P.L. II, col. 966 Nota (e).

[36] De jejuniis cap. X.P.L. II, 966-967.

[37] ib. cap. XI, P.L.  II, col. 968.

[38] op. cit. VIII, 34, 9 et II, 59

[39] Cfr. Hindo: Cod. Can.  Or. ser. II, fasc. XXVI, tom. II, p. 29 n° 45 (R.1951).

[40] Cfr. Concile de Sardique (343) can. 11 (du texte grec, correspondant au 14 de la version latine). Voici le texte traduit du grec dans le Syn. Lib. (IV, 5, 9): «Osius episcopus dixit: recordemini autem Patres nostros in temporc praeterito judi-cavisse ut, si quis laicus in urbe agens tribus diebus dominicis in tribus hebdomadibus non conveniat, is corninunionc moveatur». La version latine de Denys le petit comprend une petite variante. Nous en reportons ici le passage complet, d'après l'édition de J. Ilardouin I, 647: «Osius episcopus dixit: Hoc quoque statuere debetis ut ex alia civitate cum venerit ad aliam civitatem... diutius resîaere perniciosum est...

Memini autem superiore Concilio (en note marginale: Conc. Elibcritanum, A.D. 313, caps. XIX) fratres nostros (mais le grec disait: pateras umon) oonstituisse, ut si quis laicus in ea commoratur civitate, très dominicas îd est, per très septimanas non celebrasset conventum communione privaretur. Si ergo haec circa laicos constituta sunt, tanto magîs nec licet, nec deect ut episcopus si nullam tam gravem habet necesi-tatem nec tam dïmeilem rationem tamdiu desit ab ecclesia, ne populum contristet. Universi dixerunt placere sibi». Le canon du concile «Eliberitanum» nous est conservé sous la forme suivante: «Si quis in civitate positus très dominicas ad ecclesiam non accesserit pauco tempore abstineat (?), ut correptus videatur». Apud J, Hardouin, op. cit. eodem tomo. En vue de compléter ces textes nous rappelons les canons suivants du Concile de Laodicée (o.a. 364): «c. XVIII: quod idipsum ofïicium precum et nona et vespera semper debeat exhiberi). «Quelques fêtes se terminaient (donc) avec la neuvième heure, d'autres se poursuivaient jusqu'au soir. Toutes se terminaient par la prière. Le concile réclame donc dans les deux cas la même prière», (cfr. Leclcrcq : Histoire des Conciles diaprés les documents originaux, Paris 1907, tome I, 2 part. p. 1009. c. XIX: Quod oporteat seorsum primum post allocutiones episcoporum, orationes super catcchumenos celebrari, et post quam catcchumeni egressi fuerint, super eos qui sunt in poenitentia, preces fieri.

His ctiam accedentibus ad manum sacerdotes et discedentibus très orationes consummari fidclium ita ut prima quidem sub silentio ( — à voix basse peut-être à cause de catéchumènes présents) secunda vero et tertia per exclamationes solitas expleantur : et ita demum pacem sibi invicem dabunt. Et postcaquam dederit Episcopus presbyteris osculum pacis, tune laici sibi tribuent: et ita sancta celebrabitur oblatio» cf. J. Harduin, op. cit. t. I, col. 783, CD

[41] can. 9; cfr. Chabot,   Synodicon Orientale p. 208 et Hindo, op. cit. p. 29, N° 27

[42] «Cité dans Syn. Lib. IV, 5, 9 : Coll. Lac. II, 393 C. Si quis Episcopus vel presbyter vel diaconus vel eorum qui in clero enumerantur vel laicus nullam graviorem abet necessitatem vel negotium difficile ut a sua ecclesia absit diutissimc sed in civitate agens, tribus dominicis in tribus septimanis una non conveniat, si sit quidem clericus deponatur; si vero laicus segregetur». Cfr. J. Hardouin, op. cit., III 1689, Synodus Trullana seu Quinisexta can. 80.

[43] Conc. Nicaem can. XV : Quod non oporteat demigrare de civitate in civitatem: «...ita ut de civitate ad cïvitatem non episcopus, non presbyter, non diaconus transferatur. Si quis autem... taie quid agere tentaverit... hoc factum prorsus irritum ducatur et restituatur ecclesiae cujus fuit episcopus aut presbyter vel diaconus ordi-natus» apud Hardouin, coll. cit. I, col. 330.

«Conc. Chalecd. can VI : « Nullum absolute ordinari debere presbyterum aut diaconum, nec quemlibet in gradu ecclesiastico, nisi specialiter in ecclesia civitatis, aut possessionis, aut martyrii aut monasterii qui ordinandus est, pronuntietur. Qui vero absolute ordînantur, decrevit Sancta Synodus irritam habcri hujuscemodi manus impositionem, et nusquam posse ministrare, ad ordinantis injuriam». apud Hardouin, loc. cit. II, coll. 603-604.

[44] op. cit. I, 22 et 31-32

[45] Ep. ad Eustoch. 22, 37, P.L. 22, 421.

[46] Gfr. G. Fransen, art. cit. in les «QQ,. Lit. et Paroissiales 1951, p. 22 et F. Cimetier art. cit. in Jus Pont.  1930, p. 285.

[47] Codex Justinianus lib. I, tit. III, 41 (42) N° 24-29, in édit. P. Krueger, Berolini   1929, tom. II, p.  28.

[48] Cfr. Dicl. Dr. Can. art. Bréviaire, col. 1102 où l'auteur appelle la première obligation, une obligation réelle, et l'autre, personnelle, insinuées déjà dans le décret justinien.

[49] Cfr. op. cit. édit. P. Fahed, pp. 63/64.

[50] ibid. p.  180-(3)ibid. p. 181

[51]item p.   182-183.

[52]Cfr. P. Dib in Cod. Cari. Orient VIII, série I, pp. 95-98 item ; item P. Fahed, op. cit. dans l'introduction; item A. Coussa: Epitome vol. I, p. 186, nota 259. ibid. p. 173 on lit cette remarque très importante à notre propos: «permulta inveniuntur iuridica quae in usum numquam deducta sunt, nec deduci poterant». Elles servaient seulement pour démontrer aux musulmans dominateurs qu on n'avait aucun besoin de recourir aux lois religieuses et civiles de l'Islam, et cela en vue de profiter toujours d'un statut personnel pour les chrétiens.

[53] Cfr. l'édition du Kitabu-t-qawanin par Marcos Guirguis (2e) Cairo 1927.

[54] Cfr.  ib. pp.  78-79.

[55] ib. p. 131. A remarquer cependant que ni le can. 22 des Apôtres, ni les autres canons cités ne réfèrent rien à propos du choix et organisation des psaumes dans l'office chrétien. (Ceci vaut eu égard à la teneur de ces textes d'après leur recension publiée dans J. Hardouin. Condl. Cotlect. t. I, col. 9-32) et même d'après H. Tattam: The apostolical Constitutions or Canons qf thé Apostles. London 1848.

[56] ib. p. 132 et le ms. de la Vaticane Barber Orient. 41, col. 92 recto et verso.

[57] C'est-à-dire l'eau ou l'huile bénies pendant la prière : c'est une habitude qui n'a diminué en Orient que depuis quelques années.

[58] ib. p.  133.

[59] Ebedjesu, op. cit. Pars. 5, cap.  1; Cfr. JS. Assemani : Bibliotheca Orientalis III vol., 2 p. 338.

[60] Cfr. Exod. 29 38-42, num. 28, 3-8; I Paralip. 16, 40; Esdr. 3, 3;   (Dan. 8, 11; 9, 21 et 27; 11, 31; 12, 11; I Macch. 1, 47-49; 4, 36-59; II Macch. 10, 1-8).

[61] Georgius Arbelensis, Declaratio Officiorum ecclesiasticorm, Tract. 2, cap. 4, apud Assemani, Bibl. Orient III, 2 p. 340-341.

[62] Cfr. le texte arabe reproduit dans Cheikho L. At-Tayfat al-Maruniat wal Rahbana al-Tessouya p. 22 (éd. Imp. Gath. Beyrouth 1923 (= La nation maornite et la Compagnie de Jésus aux XVIe et XVIIe siècles).

[63] Cfr. A. Rabbath, Documents pour servir à histoire du christianisme en Orient, t. 1, Paris 1905, p. 152; le texte du canon cité est reproduit p. 166.

[64] op. cit., p.   169.

[65] Cfr. le texte de ce synode en appendice aux actes du SMtL.

[66] Dandini chargera Georges Amira en 1596 de composer «un Bréviaire qui fust en bon ordre et en bonne forme». Cfr. Voyage au Mon Liban, trad. de R.S.P., pp.   171-172.

[67] Cfr. SMtL, I part. ch. II N° 5, item III, p. ch. VI N° 2, 22.

[68] Le mot «public» en CJG. a plusieurs sens. Les juristes en comptent une Vingtaine. Contrairement à l'usage traditionnel (public = dans le chœur monacal ou capitulaire), nous entendons par public l'acte cultuel fait en communauté de fidèles, en réunion d'assemblée plus ou moins générale sur le niveau local comprenant hiérarques et subordonnés.

[69] Cfr. O. Holtzmann: Die Taglidien Gebetsstunden in Jedentum und Urchres tentum in «Zeitschrift fuer die Neutestamentliche Wissenschaft»», Giessen 1911, pp. 103 ss. «...In Jérusalem hielt man freilich, Solange der Tempeldienst bestand, an der Sitte des Tempels fest, und betete um drei Uhr das lctzte Tagesgebet, nachdem man um 12 Uhr das Mittagsgebct gesprocheu hatte. Und nach Jérusalem richtete sîch Judaa. Dièse Ordnung finden wir in der Apostelgeschichte (3, 1; 10, 3-4, 30; îu, y).

ïn der Diaspora und nach dem Fall des Tempels hielt man entweder an der frûheren Sitte fest, morgens, miltags und abends zu beten (Ps. 55, 18; Achtzengebef bab. /18; Epiph. Haeres. 29, 9); oder man ànderte die Gebetszeiten so, dass man an Stelle des Mittagsgebetes — das Speiscopfergebet — um drci Uhr setzte, das Abend-gebet aber nach wie vor festhielt... So bestanden beide Gebetsordnungen bis iiber die Zeit des Epiphanius hinaus in Judentum nebeneinander. Durch die Autôritàt des Mischna wurde die altère schliesslich verdrângt. Dagegen behiclt die Kirchc das

[70] Cfr. Exod. 3, 39 ss; Lev. 2, 1-16; 6, 7ss.;23, 16 ss. Num 5, 15».; 15,4.6.9.; 28,   12;  29,  3 ss.

[71] «nonnulli certas ac definitas horas constituunt precationi». Strom. VII, 7, P.G.  loc. cit. col. 455.

[72] Gfr. Clemcns, Strom. VII, 7, et Paedagog. II, 4: Jamvcro triplicem horarum divisionem... sciunt qui norunt». Item Tertull. De Oratione, 25, (supra, n° 99-102). «Ganz verkehrt ist die auf Missverstandnis von Act 2, 15; 3, 1 ; 10, 3-9, 30 beruhende Meinung, dass je um die dritte, sexte, und neunte Stunde (also nach unserer Zahlung um 9, 12 und 3 Uhr) eine stàndige Gebetszeit gewesen sein...

Die wirklichen drei Gebetszeiten waren vielmehr: 1° fruhmorgens zur Zeit des Morgensopfers; 2° nachmittags um die 9 Stunde (3 Uhr) zur Zeit des Abendopfers; 3° abends zur Zeit des Sonnenuntergangs (qui correspondait en Orient à cette époque là au moment où Ton s'apprête à dormir faute de lumière électrique). Cfr. O. Holtz-mann, art. cit. p. 106. Voir le texte complet de Clément dans os pages précédentes, n°°   99-103.

[73] Rappelons que le sous-diaconat n'est pas à considérer «ordo sacer» pour les Orientaux, ni pour l'Église Universelle avant les théologiens Thomistes. D'autre part, l'histoire Maronite foisonne de données concernant les notables distingués par le titre de «Chidiac» ou sous-diacre. Cfr. J. Debs: Histoire de l'Eglise Daronïte, passim (en arabe,)   Beyrouth   1905.

«Usque ad MotU proprio Crebrae allatae 1949, dit le Révme. P. Coussa, inter Coptos, Aetiopes, Syros, Chaldaeos, conferebatur subdiaconatus piis laicis qui in sacris coeremoniis et divinis officiis operam praestabant, lectione, cantu etc.. permanentes in suo laicali et matrimoniali statu' Hî, mortua uxore, aliam sine dispensatione ducebant... Hujuscemodi laicis poterunt semper Hierarchae ordinem subdiaconatu inferiorem, servatis servandis, conferre (etiam post Motum proprium, nam usus pri-mitivus nunc per can. 62 § 2 ejusdenx, nimiis difficultatibus implicatur). A. Goussa, Epitome praelect. de Jure ecclesiast.   Orientali vol. III, p. 99  (Ramae  1950).

[74] «Non enim locus hominem sanctificat, sed homo locum... Constit. Apost.II,  59.

[75] Cfr. Const. Apost. II, 59 «unusquisque apud se psallat, légat, oret...»Ibn-al-Assal, op. cit. p. 133. «Or si le moment de ces prières arrive et que le fidèle se trouve dans un lieu où il ne peut pas prier (= loin du lieu de la réunion) qu'il prie dans son cœur.»

[76] Cfr. J. Deslandes: L'obligation de l'office chez les orientaux, art. cit. pp. 132-139; et S. Salaville: «dans «Liturgica» Encyclopédie populaire des connaissances liturgiques. Paris 1941, p. 938: «L'obligation de l'office dans l'Église Orientale affecte le lieu, non les personnes...»  (Intell, la Communauté du lieu....)

[77] Cfr. G. Fransen, art. cit. p. 200, et F. Cimetier, art. cit. p. 283: In omnibus his textibus non agitur nisi de obligatione quac incumbit clericis officiis publicis assistendi, non autem de obligatione recitandi privatim horas canonicas».

[78] Cfr. Molien, Dict. Dr. G. art. Bréviaire, col. 1081: «Rien dans les textes n'indique encore une prescription...»

[79] Cfr. J. Deslandes : «Il n'y a pas de loi ou de canon qui prescrive la récitation de l'office divin ni en Orient ni en Occident jusqu'au XlIIe s.» art. cit. pp. 132 sq.; item pp. 135-137 au sujet du can. 17 du IVe Conc. de Latran et du Décret de Gratien.

[80] On choisissait les psaumes qui contenaient des actions de grâces, l'aveu de l'unité du Créateur et la confession des péchés. Par suite, tous les autres étaient exclus de la célébration publique. Cfr. Canons des Apôtres, 22, dans Nomocanon d'Ibn-al-Assal cité plus haut n. 114 (ch. V), tout en observant que cette référence d'Ibn-al-Assal n'a pas de correspondant dans les canons des Apôtres édités par T. Hardouin. Concil. Coll.  I, 9-32.

[81] op. cit. édit. Caire 1927, p.  131.

[82] De oratione, ch. X, cfr. note 8, supra N° 101.

[83] Cfr. Holtzmann, art. cit. pp. 92-95.

[84] Cfr. A. Bugnini, op. cit. pp. 70-72 (lasemplificazione délie rubricheR. 1955).

[85] Le Souverain Pontife, Pie XII, d'heureuse mémoire, dans le texte d'un discours qu'il aurait voulu prononcer le 19 octobre 1958 (— il est mort le 9.10.58 —) avait bien nuancé cette tâche cléricale : «la principale sua azïone (dei chieriœ ministro di Cristo) sarà strettamente sacerdotale ossia di mediatore degli uominî c o n l'offrire a Dio il sacriiïcio dei Nuovo Testamento, c o l dispensare i sacramenti e la divina parola, co n la recita dei divino Ufficio a vantaggio ed in rapprzsentanza dei génère umano».

Cfr. Osservatore Romano du 17 octobre 1958, p. 2 et plusieurs revues sacerdotales de l'époque qui ont publié ce texte considéré comme le testament sacerdotal de Pie XII !

Ici, l'office divin récité par le prêtre est mis sur le même rang des actions strictement sacerdotales et dont la fin est l'avantage et le profit .(= 1'aedificatio de St. Paul) des fidèles. Cfr. aussi plus haut notre § III du chapitre II, n°a 41 à 54.

[86] Cfr. Sylviae Etheriae Peregrinatio ch. XXIV. Il y avait eu toujours un ou plusieurs prêtres qui présidaient et dirigeaient les prières dévotionnelles des pèlerins et autres fidèles lorsqu'elles se faisaient à l'intérieur de la Basilique ou partout ailleurs choralement et en groupe: «Nam et presbyteri et diacones (bini vel terni singulis diebus vices habent...) semper parati sunt in eo loco ad vigilias propter multitudinem quae se colliget...»

[87] Vaticanum Syriacum 233:  officium feriale septem dierum. hebdomadae juxta ritum Syrorum Maronitarum A.D. 1578 exaratum.

[88] «Monachus qui unum dumtaxat psalmum novit, eumdem in omnibus precibus répétât». Statuta Persarum apud .Bar-Hebraeus-Nomocanon VU, 10. Gfr Hindo,  op. cit.,    580.

[89] La présence de ces dispenses accordées aux «diacres et prêtres » orientaux aux archives de la Propagande est confirmée par Scraphinus Cretoni, consulteur de la Commission relative aux églises orientales pour le Concile du Vatican qui en profite pour affirme l'obligation de la récitation privée de l'office divin chez les orientaux, mais bien à tort, puisqu'il pousse encore son argumentation jusqu'à nous faire croire que cette «consuetudo ab ipsis Apostolis esse ducendam». Voici le n° 23 de son Votum: «Quod hactenus de synodis evincere studuimus magis magisque confirmatur argu-mento desumpto ex petita a Diaconis, et Presbyteris cujuscumque ritus Graecis, Mel-chitis... Aiaronitis;, Chaldaeis et Cophtis sive in Collegio Urbano sive in Oriente moran-tibus dispensatïone seu commutatione Ecclesiastici Ofïïcii ob peculiares causas; cujus rei ab anno 1622 ad nostram usque aetatem în regestis S.C. de Propaganda Fide innumera suppetunt  exernpla»   (p.   15).

Il semble cependant perdre de vue ce qu'il avait assuré en p. 1 : «nec defuere nec desunt nostris etiam lemporibus qui de obligatione horas canonicas privatim persolvendi pro clero saeculari minus reetc sentiant. Ea namque invaluit inter ipsos opinio, Clericos extra chorum, Monachis exceptis ad quotidianam horarum canonicarum recitationem haudquaquam   teneri».

Cfr. Concilii Vaticam Acta, Commission... Mense Dec. 1868, «De obligatione clericorum oriental is Ritus Divini Officii recitandi. Votum. 21 pp. Seraphinus Cretoni, Consulter.

Comme on peut le relever à vue, l'époque où commencent ces demandes de dispenses est postérieure à celle de la fondation du Collège des Maronites à Rome (1582) et corrélative à la préparation de l'édition du Grand Bréviaire maronite de 1625, que la Commission examinatrice constituée d'abord par des P.P. Jésuites avait fortement controversée. L'on sait qu'en 161/ Nasrallah ou Victorius Scialac avait terminé la version latine de tout ce bréviaire et qu'en 1623 il achevait un autre volume non moins gros pour réfuter les mille et une censures de la commission jésuite.

La conamission cardinalice qui survint lui accordera justice, et le texte syriaque original sera publié et distribué en 1625. Cfr. Bibl. Naz. Vitt. Emman. (Roma) Fondo sessoriano   177;  item,  Bibl.   Vaticana,  Borg.  Latin.  31.

[90] Cfr. Acta Conciliî Vatic. Decretum proponendum, Mansi... tome 53, col. 732, et le compte-rendu de la séance du 23 décembre 1868, d'où il appert que les consulteurs étaient divisés autour de la dissertation de Crétonî, publiée à part, et seulement citée parmi les acta consultorum dans l'édition des actes du Vatican, Mansi... t. 50, col. 115 4- (= tome 49, 1171). Le cardinal Alessandro Barriabo président de cette conarnission, avait très sagement conclu la discussion en disant: «...sembrarsi poco probabile che il concilio imponga a tutti l'obbligo délia recita quotidiana». Il avait vu juste, quoique le Concile n'ait de fait imposé obligation que parce que les circonstances l'avaient dispersé avant l'heure! Cfr. Acta Conc. Vatic. t. 49, col. 1015.

[91] Cela ressort en plus de la lettre «Maronitarum Gentern» envoyée par le Card. Octavius Bandinus au patriarche Jean Makhlouf le 30 juillet 1625 et publiée au début de l'édition princeps de 1625. Il y est dit en effet: «...Mandat autem S. Pontifex ut deinceps pro pub lie a dirinorum officiorum recitatione in vestris Ecclesiis his tantum utamini, se. in laudibus Deo canendis efficiamini u n i u s moris in domo, omnisque tollatur occasio manuscriptos codices vitiandï aut vitiatis utendi...»

 

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