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Yara

Dr. Père Cesar Mourani ocd

 


Yara. La connaissez-vous? Vous devez être peu nombreux, vous, jeunes d’aujourd’hui, à avoir entendu parler d’elle. Pour nous, les anciens, elle constituait la toile de fond de nos horizons d’une fois. Nous n’entendions pas parler d’elle. Nous la connaissions, nous tous, enfants du village. Ce n’était pas une connaissance quelconque, une connaissance vague et éphémère. Pour nous, les petits, elle était la ‘’ tante’’, l’amie affectueuse. A travers les ruelles boueuses du petit village, elle allait à la recherche de ses ‘’petits amis’’, le tablier replié sur ses hanches fines, rempli des bonnes choses de l’hiver. Des sucreries ? Elles étaient rares, le village étant loin des centres commerciaux et sans échoppes locales.

Nos ‘’bonnes choses’’ étaient les fruits secs de l’été. Des noix, du raisin sec, du malban et surtout des figues asséchées, délicieuses. Elle en possédait, seule, le secret. Les sucreries, c’était rare. Quand elle avait l’occasion de faire une escapade à la grosse bourgade voisine, elle nous en régulait, pois chiche sucré (kdamé) ou bonbons non empaquetés. Nous, les petits, nous aimions tout ça, nous aimions notre amie, la tante Yara. Nous n’étions pas seuls à l’aimer. Les grands du village et les villages voisions, non mariés, se faisaient aussi beaux que possible pour attirer ses regards. Même les mariés la lorgnaient à la dérobade, la comparaison ne tenant pas entre ses attraits et le banal de ce qu’ils avaient chez eux. Yara, c’était la beauté incomparable du village et de trente lieues à la ronde. D’après ce que racontaient les adultes, en connaissance de cause, puisqu’ils avaient l’occasion de parcourir le pays, d’assister aux fêtes foraines de la région, il n’y en avait pas de beauté pareille, sinon une jeune dame d’un village voisin, Kafroun. Et, celle- là n’était pas originaire du pays ; elle venait de loin, de bien loin, du fond du Nord du pays, issue d’une noble famille, elle était mariée à un notable de la région. Nous entendions parler d’elle, comme d’une beauté exceptionnelle. La noble dame- Sitt Alice – formait le sujet principal des conversations des hommes de ce temps- là dans leurs mornes soirées. Certes la beauté de Yara ne tenait pas la comparaison avec celle de la ‘’ nouvelle dame’’ de Kafroun. Les raisons en étaient multiples. Les hommes, en tête à tête, ou en petits groupes, se le répétaient, admiratifs. La ‘’ dame’’ avec sa taille élancée en imposait. Les ondes de ses cheveux, ressemblant a l’or pur des épis du blé de son pays, les doigts allongés  de ses mains ouatées, la ‘’nouvelle dame’’, non seulement savait, sans nul doute, s’habiller, mais elle avait, aussi, tous les moyens du monde pour s’acheter ce qu’il faut. Elle venait d’un monde distingué, se racontaient les hommes ; elle appartenait à une classe de noblesse, les beys de Zghorta . ’’Mais si le raisin est encore aigrelet’’ comme s’est consolé à le répéter le renard de la fable, les villageois, ne pouvant, même, se permettre le luxe de s’imaginer membres de compagnie de la ‘’ nouvelle dame de kafroun’’ se rabattaient, enfin las de conversation sans issue, sur leur dame à eux, la jeune yara. Elle avait son propre attrait malgré sa pauvreté de paysanne. Yara, disaient les hommes, connaisseurs admiratifs, avait une beauté sauvage, naturelle. De taille moyenne, elle était bien en os et chair. Des jambes fuselées faisaient monter l’eau à la bouche des gars. Sous la jupe un peu serrée, des yeux rêveurs pouvaient suivre la ligne harmonieuse de son corps effilé. Le tablier replié en sacoche à la hauteur des hanches, mettait en relief la finesse de la taille. Une belle poitrine, haute et généreuse l’obligeait à marcher la tête tirée vers l’arrière. Une épaisse chevelure, blonde dorée, déversait ses flots capricieux, le long de ses épaules gracieuses et faisait un grand effort pour s’arrêter à la hauteur de la vie. Elle avait un visage arrondi de forme fort régulière, éclairé par deux grands yeux fendus en amandes. Ses lèvres sensuelles, toujours entr’ouvertes sur un sourire mystérieux, faisaient l’enjeu d’une envie jamais éteinte chez les hommes. Yara n’était, certes, pas ‘’ la nouvelle dame de kafroun’’, mais elle était tout simplement yara, la superbe jeune fille, la plus connue à quarante lieues à la ronde. Les jeunes, à l’âge de mariage, pouvaient se compter en grand nombre. Les prétendants au mariage étaient peu nombreux et ceux qui pensaient, sérieusement, à elle l’était moins encore, deux ou trois à peine. Officiellement, aucune déclaration, pas même, un ‘’ bruit’’. Vu sa beauté, le désir ne manquait pas, mais l’on n’osait pas se déclarer. Pourquoi l’hésitation ? Les raisons n’en étaient pas indéchiffrables. La majorité des jeunes hésitaient de se lancer dans l’aventure, faute de moyens adéquats. Dans ces temps- là, pour se marier, le jeune homme n’avait pas besoin d’avoir sa propre maison, ou son appartement privé. La demeure familiale, malgré son exiguïté répondait aux besoins de la famille. Un lit privé placé derrière- l’armoire, ou bien dans un coin entouré de rideaux était suffisant, le jeune homme n’avait pas besoin de voiture de luxe, la monture familiale, âne ou mulet, comptait pour beaucoup. L’argent étant rare, quelques sous faisaient l’affaire. Posséder un arpent de terre à cultiver, avoir un couple de vaches pour le labour et pour le lait du petiot, une douzaine de poules au poulailler, une jarre d’huile d’olive, une moulinée de blé, du pain dans le lakan, une mesure de bourghol, quelques lentilles, un peu de foul, hommos, quelques légumes verts enfilés et séchés, suspendus en treille dans quelques coins de la maison, et, du foin pour les bêtes. Pour le jeune à marier, un beau cheval , un chemisier à boutons ornés, une chamlé, des souliers bien cirés, tout cela suffisait à faire le bonheur de la future mariée. Pour le repas du mariage, un vieux coq, les poulets élevés pour la circonstance, sans vider le poulailler, faisaient l’affaire de la maman pour préparer la grosse marmite de hricé, rituel de la fête en question, sans oublier l’arack à volonté. Nos jeunes rêvaient de pouvoir arriver à accumuler toutes ces richesses sensées répondre aux visées des parents et éblouir l’esprit de la future chanceuse. Par contre, la tradition et les besoins exigeaient, pour la mariée, la fameuse ‘’dota’’. Un dépôt en argent ou en espèces que les parents de la fille se hâtaient, dès sa naissance, de constituer pour la rendre plus mariable. Les parents de yara, décédés il y a quelque temps, n’avaient pas eu les moyens pour entamer la déposition du pécule nuptial. Ils m’avaient pas eu l’idée de lui ‘’écrire’’ quelque carré de terrain cultivable, bien qu’ils en avaient en abondance, ne pensant pas mourir de sitôt malgré leur âge avancé. Les frères  de la jeune fille, en l’absence de référence paternelle, sans prêter oreille aux requêtes des anciens du village, passant à côté de leur conscience , s’arrogèrent toute l’hérédité, happant ‘’ le vert et le sec’’ de la maison familiale. Ils refusèrent de donner à leur sœur, sa part de l’hérédité, ce qui aurait pu constituer le fonds d’une dota alléchante.

Restée seule, au service de ses belles-sœurs, elle enviait, parfois, les animaux de la maison. Souvent, pour échapper à leurs vexations, elle prenait, à travers les dédales du village, le chemin des champs. La plupart du temps, personne ne faisait cas de son absence. Ses relations avec ses frères étaient, souvent, tendues. Mal acceptée par ses belles- sœurs, sa beauté leur tapait sur les nerfs. Si l’on n’avait pas besoin d’elle pour quelque service, son absence était plutôt agréable et fort désirée. Elle en était consciente, aussi profitait-elle de la moindre occasion pour échapper aux contraintes de la maison et retrouver un peu de repos dans les oubliettes de la nature. Quelqu’un de ses ascendants, amoureux du calme et de la solitude, avait monté, dans le temps, une hutte, dans un coin reculé du jardin – caché dans la broussaille, il en restait un maigre squelette. Patiemment, elle avait défriché un étroit passage jusqu'à son entrée. Elle avait arraché plutôt que taillé la haie, en zig-zag, de façon à ce que la porte de la hutte reste presque cachée aux indiscrets. Peu  à peu, elle avait recouvert le squelette de la hutte de branches de laurier-rose arrachées aux buissons couvrant les berges du torrent, non loin de là, au fond de la vallée. La hutte, ainsi refaite, offrait un abri singulier. Elle avait rassemblé des bottes d’herbe sèche dont elle avait meublé l’intérieur rendu de la sorte, bien douillet. Ses parois latérales étaient percées de fentes, à peine, suffisantes pour permettre un éclairage de semi- obscurité. La porte étant basse et étroite, elle s’y faufilait en rampant.

Elle avait recueilli une vieille lampe à pétrole (siraj) abandonnée dans un coin de la demeure paternelle. N’était- elle pas dans son droit ? pensait-elle. Elle était fille de la maison. Elle l’allumait, malgré l’ennui de sa fumée, quand les nuages, dehors, obscurcissaient le ciel, rendant la visibilité mois claire. Ou bien, s’attardant le soir, pour un motif quelconque, elle revenait à nuit avancée.

Elle aimait se déplacer à pas légers dans les ruelles du village, ou bien à travers les champs où elle espérait rencontrer ses petits amis en train de jouer une partie de smerké ou de pierres dressés. C’était son bonheur. Les enfants, à peine l’apercevaient-ils, lâchaient tout pour courir à sa rencontre, lui faire leur cour. Il y  avait, toujours, l’espoir d’une récompense quelconque. La hutte refuge constituait son dernier abri contre les regards enflammés et les envies fiévreuses de quelque jeune villageois. Septembre approchait de sa fin. Les soirées, se faisant plus fraîches, poussaient les gens à réintégrer plutôt leurs foyers et à rentrer leurs bêtes aux étables. Les hommes vaquaient à faire ‘’diner’’ les bêtes, alors que les femmes s’affairaient autour des marmites montées sur des feux allumés à ciel ouvert dans quelque recoin de la cour terreuse.

Les hommes, une fois le soin des animaux domestiques terminé, préparaient la tombée de la nuit. Ils remplissaient de pétrole la lampe fumante ou bien la grande lanterne, suivant la situation sociale de la famille. Le seul ‘’lux’’, au village, rassemblait les villageois chez monsieur, le curé. Alors, ils se dévêtaient, de la chemise et du chirwal portés durant la journée, gardant la flanelle et le chirwal blanc. Ils s’assoyaient sur un escabeau ou bien une chaise basse en paille, dans le meilleur des cas, ils se lavaient la tête et les pieds dans le lakan avec l’eau tiède préparée par les femmes à cette intention. Une fois la toilette terminée, les hommes rejoignaient la famille déjà réunie autour du repas préparé sur un grand disque fait en paille. Le père entamait la prière récitée par la famille et tout le monde, en cercle, entamait le dîner. Mon père, fils de curé, faisait égrener quelques dizaines du chapelet. Une assiette de bourghol, quelques graines d’olives, parfois un oignon, du pain d’orge ou de maïs, merci Bon Dieu ! Et bonne nuit, aux lits s’il y en avait, ou bien sur les matelas déroulés par les mamans sur les paillasses.

Les journées, devenus plus courtes, sentaient déjà les premiers froids de l’automne. Les après-midi se plaignaient déjà de la tristesse du couchant. La route de la source, surpeuplée sur les dernières heures des journées de l’été, se vidait, au fur et à mesure que l’automne avançait, et les plus tenaces de la kazdoura rituelle se laissaient déjà compter sur les doigts de la main. Le ciel devenait moins clair. De gros nuages noirs moutonnaient, et, les paysans se hâtaient de rentrer le restant de leurs biens avant la chute des premières pluies. La pluie, tant attendue par les paysans ne tombait pas : arrivée jusqu’au sol, comme disaient les anciens, elle remontait au ciel, happée par les dernières chaleurs estivales, étirant leur trainée sur les journées fuyantes de l’été. La nuit étendait son voile sur le village. De temps en temps, les faibles lueurs d’une lanterne se faisaient remarquer dans l’obscurité tombante. Bientôt, le grand ‘’lux’’ du curé, accroché a quelque branche de platane dans le toit du siwan dressé sur la terrasse de son ‘’manzoul’’ répandait sa lumière sur le village comme la lune d’octobre jaillissant de derrière la montagne voisine. Déjà tout le monde, ou presque, était rentré. Le calme revenait avec la nuit. Les voix des enfants s’étaient tues laissant la place aux cigales noctambules. Certains villageois harassés par la fatigue du jour avaient gagné les couchettes que les femmes s’étaient hâtées d’étendre autour du foyer, quitte à se relever avant l’aube pour entamer une nouvelle journée. D’autres, plus relaxés, ou, moins fatigués, voyant le signal du ‘’lux’’, se dirigeaient, individuellement ou accompagné vers la ‘’soirée’’. On avait l’habitude d’y prendre un dernier café en écoutant les dernières nouvelles à la radio du curé, ou bien, prendre part à une dernière conversation avant l’extinction des feux. Octobre avançait à grandes enjambées. Les nuits se faisaient plus froides. Les estivants avaient fait vite d’abandonner les terrasses et de se retirer à l’intérieur des maisons dont quelques-unes laissaient filtrer, parfois, un rayon de lanterne tamisée.

Ce soir-là, les villageois étaient rentrés sauf Yara. Ses parents ne s’en étaient pas avisés. Comme elle avait l’habitude de tarder, à la tombée de la nuit, ses belles sœurs n’avaient pas remarqué son absence. Ses frères non plus, partis tôt pour la ‘’soirée’’ du curé. Quelqu’un pourtant avait remarqué cette absence. il l’attendait, parait-il. Je ne saurai pas dire si, ce soir-là, le retard de Yara avait été pris en vue d’attirer l’attention de ce quelqu’un.’’ Avec les femmes, on ne sait jamais ‘’ disait ma grand-mère de bonne mémoire. Toujours est-il vrai que ce ‘’quelqu’un’’ rodant autour de la maison paternelle de Yara, avait remarqué la non-rentrée de celle-ci. Pourtant il en était sûr, elle n’avait pas quitté le village, ce jour-là. Sûr, il avait conclu, elle devait être restée quelque part, dans le jardin, à l’ouest du village. il connaissait le terrain pour l’avoir traversé, à plusieurs reprises durant ses randonnées de chasse. Même qu’il n’ignorait pas l’existence de la hutte pour s’y être abrité, une fois, surpris par une averse d’orage. Ce fut là qu’il se dirigea. La nuit était profonde. Il allait dans l’obscurité, sans être trop sûr de lui-même. Il avançait à pas feutrés, prenant soin de ne pas déranger quelque hôte indésirable, le jardin se trouvant en pleine- campagne. De loin, dans le fourré, une petite lueur se fit voir. Il marcha guidé par cette lumière. Ce n’était pas la porte. Tout simplement, une fente latérale. Il contourna la hutte pour retrouver l’entrée. Il se fit prendre par la broussaille. Saisi par les lianes, les morsures des épines se firent sentir douloureuses. Il trébucha et il échoua de toute sa longueur. Yara, à l’intérieur, avait entendu des plaintes étouffées. Tenant la petite lanterne à la main, elle apparut à la porte. A la vague lumière de la lanterne, elle aperçut une ombre allongée plaintive dans la haie. Elle lui tendit la main, le releva et le poussa doucement à l’intérieur de l’abri. Assis, côte à côte, sur une botte de paille, elle l’aida à se débarrasser des herbes sèches et des ronces lancinantes. Elle gardait un peu d’arak dans une petite bouteille, juste à l’ intention des écorchures virtuelles. Elle en fit usage, nettoyant, tendrement, de ses mains soyeuses, la peau saignante du jeune homme. Pour lui relever le moral, elle lui en fit boire une gorgée. Il n’en avait pas besoin. Avoir retrouvé celle qu’il cherchait l’avait exalté. Les yeux de la jeune fille, dans ses yeux enflammés lui avaient fait oublier sa douleur et la soie de ses mains avait fait le reste. Assis à ses côtés, il l’enlaça tendrement. Elle répondit à ses caresses. N’avait- elle pas grand besoin de tendre compagnie, isolée qu’elle était dans sa solitude. De sa main libre, le jeune homme lui caressa les cheveux dénoués, le visage et l’oreille. La main suivit la gorge palpitante et s’enfonça doucement dans le sein surchauffé. Yara, rouge d’excitation s’abandonnait de tout son être. Elle se laissait envahir par un je ne sais quoi d’enivrant. Ne se dominant pas, elle en demandait plus. Ils se retrouvèrent unis dans le silence de la nuit. Les premières lueurs de l’aube pointaient déjà derrière la montagne. Il s’étira, debout, quelques instants ; il arrangea ses habits, et, à son tour lui tendit la main. Il l’enlaça tendrement, l’aida à réparer, quelque peu, sa toilette, et, de loin, il la suivit, dans la rosée matinale, sur le chemin du village encore endormi. Certains moments, dans la vie des jeunes, sont inoubliables. Souvenirs aux goûts indélébiles, ils assaisonnaient, rarement la routine de l’existence campagnarde. Cette première soirée, à deux, dans la chaude intimité de la hutte et dans le calme paisible des nuits de fin septembre, ne fut pas unique. La rencontre des deux jeunes gens n’était plus occasionnelle. L’absence de la jeune fille se faisait de plus en plus régulière et lui, le jeune homme, avec la froidure de l’automne avancée, réussissait, plus souvent, à esquiver les regards indiscrets, pour la retrouver tendre et trépidante d’impatience. En ce temps- là, certains moyens étaient, complètement, ignorés, surtout dans les coins reculés de la campagne ou les medias n’avaient pas encore pénétré. L’un de ces jours, quelques mois, plus tard, le ventre renflé de la jeune fille accusa sa grossesse. Personne ne se fit avant pour en réclamer la responsabilité. Infamie ! Honte des hontes ! Dans la société tribale d’alors personne n’eut souci de pointer le doigt vers la cause. Tout juste, quelques murmures échangés entre des hommes pleins de soi : qui peut être ce malin-là ? Il l’a eue ! Tous les malheurs du monde se déversèrent sur la jeune fille. Lui. C’est un garçon. Il est dans ses droits. Il a eu envie d’elle. Il a réussi à la posséder. Est-ce anormal ? Elle ne devait pas se laisser faire ! Elle a foulé son honneur dans la boue ! Elle a souillé l’honneur de la famille. Le village était tout en ébullition : les femmes, plus que les hommes ne tarissaient pas de la lapider de leurs langues. Sujet principal de leur conversation. Elle anima leurs mornes soirées, cet hiver- là. L’aînée de ses frères s’empressa de la dépouiller de ses titres familiaux, immédiatement, sur la place du village, devant toute la jeunesse de retour de la promenade crépusculaire. Le second, celui qui avait dépucelé, comme se le chuchotaient les commérages pudiques des braves paysannes, la pauvre fille de la famille… Ce second frère fut, tellement, indigné de la dégradation infligée à la famille par la méconduite de sa sœur, qu’il se hâta de jurer, publiquement, tous ses dieux, d’en laver la souillure dans le sang rendu impur de la pauvre fille.

Les heures de cette nuit-là tardèrent à s’égrener la fille avait disparu. Depuis quelque temps, personne, dans le village, ne l’avait aperçue. Qu’elle aille au diable ! Comméraient les vieilles prudes. Que dieu maudisse l’heure où elle a vu le jour. Pourquoi nous demandions- nous, tous ces malheurs qui ont frappé le village ? C’était à cause d’elle. Que Dieu ne la rende pas ! On la reverra un jour ou l’autre. Le diable ne détruit pas sa maison. Enfin le jour répandit ses heures ouatées sur le village apaisé. La vie reprenait son cours. Les paysans s’étaient hâtés sur les chemins de la campagne, poussant leurs bêtes devant eux, alors que les villageoises s’étaient, vite, attelées à leurs occupations habituelles : les bêtes n’attendent pas. Le soleil avait déjà pris de la hauteur, et, chose inhabituelle dans la routine du village, la cloche de l’église n’avait pas donné signe de vie. Les vieilles femmes, habituées à la messe matinale, s’étaient rendues à l’église, comme à l’ordinaire, tout en échangeant des propos au sujet de tout et de rien et en égrenant leur chapelet. Le curé n’allait pas tarder à faire entendre le doux son de sa cloche aux fidèles à peine réveillés. Ce matin-là, contre son habitude, la cloche s’était tue et le curé n’était pas venu. Les braves femmes, craignant quelque malaise, s’étaient vite éclipsés de l’église pour aller aux informations. Heureusement, la femme du curé, contre son habitude, était déjà debout et l’odeur du café se répandait alléchante de la cocotte qui mijotait sur le feu. Matin de bonheur, khourié ! Et pour ne pas laisser le temps de souffler à la femme du curé, elles enchaînèrent en chœur :’’ inchallah, que le curé n’a rien de mal ! Est-ce qu’il a eu, par hasard, quelque problème ? Ce n’est pas de son habitude de ne pas aller à l’église. Que dieu lui donne la santé. Soyez les bienvenues ! Conclut la khourié quand elles s’arrêtèrent de parler pour reprendre du souffle. Le café est fin prêt. Bien venues à la matinée. J’ai de la chance ! J’allais prendre mon café toute seule. Le curé est absent depuis hier matin. Il a quitté en me disant qu’il allait s’absenter pour affaire touchant le village. Je crois qu’il ne va pas rentrer de sitôt, à ce que j’ai compris. Comme le bon curé avait l’habitude de s’absenter, de temps en temps, sollicité par ses supérieurs de certains travaux urgents, on ne fit pas grand cas de son absence. Ayant siroté leur café avec un plaisir évident, les braves femmes s’en retournèrent à leur foyer. Dieu seul sait.  Il doit avoir quelque chose d’urgent ! Il a l’habitude de nous prévenir. Bon espoir, inchallah ! Quelques jours, plus tard, le curé rentra. Il accusait une fatigue hors de coutume. La khourié le reçut avec son sourire habituel. Ahlan ! Dieu merci pour ton heureux retour. Elle avait perdu l’habitude de sa curiosité. Si le curé laissait filtrer quelque mot, elle devait s’en accontenter, sinon, question touchant le travail, interdit d’en parler. L’affaire Yara ne tarda pas à sombrer dans l’oubli. Tout le monde avait intérêt à ce que l’histoire soit étouffée. La jeune fille s’était évaporée. Les gens du village pensaient que ses frères avaient trouvé le moyen de l’éloigner en la plaçant, peut- être, en service chez quelque parent éloigné, ou bien dans quelque riche famille. La chose était courante d’ailleurs, aussi, avait-on eu la délicatesse de ne plus parler d’elle. Par contre ses frères, n’entendant plus de commérage et ayant perdu ses traces jugèrent de leur intérêt de ne plus parler de l’affaire.

Seul, le curé avait perdu quelque peu de sa bonne humeur. Souvent quand il se retrouvait seul, son visage prenait un air plus sérieux qu’à l’ordinaire et ceux qui avaient l’habitude de l’approcher pouvaient déchiffrer dans les rictus de sa face émaciée l’inquiétude qui le tourmentait. Il était préoccupé, le brave curé, et, profondément contrarié. Pourquoi le Bon Dieu avait-il permis que, lui prêtre honnête et intègre, fils d’un saint curé, soit éprouvé de cette manière ! Y avait-il besoin que ce soufflet lui fut-il infligé. Il ne méritait pas cette blessure ! Le petit village, tranquille, aux moeurs saines, n’avait jamais connu la moindre infraction à la moralité, d’une façon publique. Le brave curé mijotait toutes ses pensées dans l’arrière-plan de son esprit, engagé pourtant à fond dans le petit quotidien du village et de la région. Nous venons d’employer le terme petit pour le quotidien, dans l’intention d’en englober les moindres détails, alors que le village avait un quotidien des plus chargés. Le curé, chef supérieur de la petite communauté devait penser à tout. A commencer par sa descendance nombreuse en sus de la maisonnée de son frère, rendu impotent à la suite d’un accident de travail, en tout, une vingtaine de petites bouches à qui il fallait assurer le plus urgent, de quoi manger. Le reste n’était pas moins intrigant. On vient de signaler, plus haut, que le curé constituait la façade sociale du village. Il avait à en subir les conséquences, honor et honus, disaient les anciens latins. Des questions les plus banales comme celles de résoudre le contentieux entre les voisines, se tirant les cheveux, à propos de coqs et poules. Il fallait tout résoudre et, souvent, d’autres plus graves. Recevoir les gens de la gendarmerie en tournée d’inspection ou bien les gardes- forestiers, loups affamés à la recherche d’une aubaine. La basse- cour de la khourié devait être toujours à point en volaille. Les braves femmes du village, celles, au moins, qui n’avaient pas de raisons pour accuser absentes, devaient être toujours prêtes à tout abandonner chez elles pour prêter main forte à la khourié dans ces circonstances. Les chevaliers de l’état arrivaient, toujours, au village, l’estomac dans les talons tout comme leurs chevaux. Il fallait en remplir les gros ventres. Autrement, c’était tout le village qui en payait les pots cassés. Quand les hommes de l’état s’attardaient, dans le village, après le déjeuner, c’était de mauvais augure, quelque contravention facile à dresser dans le village. La moindre branche de chêne verte, coupée il y a quelque temps pour les chèvres, pouvait constituer une matière suffisante à une infraction à la loi. C’était, par contre, un véritable soulagement de les accompagner jusqu’aux chevaux repus. Un autre pauvre village devait payer. Les gens de l’état ne rentraient jamais au poste les poches ou les ventres vides. Les jours s’égrenaient lentement dans le village en hibernation. Des mois passèrent. L’hiver était venu avec ses séquelles, neige, grêle et froid puis il était parti sans plus, laissant la place aux beaux jours du printemps. Les hirondelles étaient réapparues, sillonnant le calme des soirs, de leurs cris joyeux. L’école, la grande salle, classe unique s’était vidée depuis quelque temps déjà. Les élèves, les uns s’étaient joints à leurs parents en pleine saison, d’autres avaient remplacé le berger en vacances à la tête des troupeaux, d’autres avaient retrouvé la route du fleuve et moi, comme d’habitude, j’avais repris ma place sur le nawraj derrière les bœufs sur l’aire ensoleillé. Un de ces matins, c’était un matin des premiers jours de septembre, la cloche de l’église, contre son habitude, ne donna pas signe de vie et les bonnes femmes, les habituées de la messe matinale, eurent les excuses d’aller à la maison du curé pour les informations. Heureusement, elles n’étaient pas nombreuses, à cause des travaux de l’été et la cocotte de la gentille khourié fit l’affaire de la soubhié. Le curé était reparti, avant l’aube, sollicité, pour certaines affaires, par ordre de son évêque, et, comme d’habitude, il fallait attendre le son de la cloche. Qu’il retourne en sécurité ? firent les braves grands-mères déjà en chemin. Quelques jours après, il rentra tard, même assez tard. La soirée s’était dénouée depuis un certain temps. Seule la khourié attendait. Prévenue on ne sait par quelle télépathie, elle ne fit qu’un bon pour ouvrir la porte à son mari épuisé de fatigue. Dieu merci pour votre retour. Inchallah chanceux ? Elle lui prépara à manger, et le lendemain la cloche sonna avant l’heure. les braves femmes grimpèrent les raides escaliers qui mènent à l’église. Le curé est rentré, dieu merci ! dirent- elles. Cette fois-ci, il parait plus serein, plus enthousiaste, même plus jeune ‘’! On les entendait murmurer : ‘’sa santé lui revient ; ces quelques jours d’absence lui ont redonné de la forme.’’ Le jour même, les femmes, rentrant de l’église, avaient remarqué le passage furtif de Yara à travers les ruelles, se dirigeant vers la maison paternelle. Elle avait repris sa forme première. Un peu grossie, quelques kilos en plus. Le repos, l’air de la ville lui donnaient un aspect beaucoup plus avenant qu’auparavant. Elle paraissait bien dans sa peau. Une robe légère assez décolletée, lui donnait un aspect aérien. Sa chevelure, dorée comme d’habitude, couronnait un visage séduisant. Sa poitrine un peu plus remplie la rendait plus femme. Pourtant les amis de l’enfance se demandaient :’’ qu’est-ce qu’elle a yara pour avoir cet air un peu triste ? Ses yeux, autrefois si riants, cachaient un regard morne et fuyard. Une souffrance intérieure voilait, vaguement, le bleu de ses beaux yeux. On la revit, plus souvent, errant sur les pistes campagnardes, à la lisière des vergers, le long du torrent plus ou moins asséché. Son vagabondage la poussait parfois plus loin, la haut, dans les gorges de la vallée, toujours à la recherche d’on ne sait quoi ! Souvent, elle passait des journées enfermée dans son abri. Si elle en sortait parfois, tout juste pour aller à la recherche de quelque chose en vue de calmer son estomac. Quiète et tendre, à sa rentrée au village, malgré sa tristesse, elle était devenue nerveuse, agressive même. On la voyait, parfois, contre son habitude, déguenillée, ébouriffée les longues mèches blondes volant derrière elle dans les buissons. Au village, on se demandait si elle n’était pas tombée malade. Quelques voix, même, commençaient à l’accuser de perturbation mentale. On n’avait pas encore l’audace de la taxer de folie. Ses frères refusaient tout commentaire à propos de son comportement. Ils avaient été fortement contrariés par son retour au village, mais ils n’en disaient pas mot doutant qu’elle avait été ramenée par le curé. Maintenant, ils bouillonnaient de fureur.

Un jour, sur les dernières heures de l’après-midi, juste à la fin de la ‘’promenade’’ alors que les gens du village, rentrant de la source, se retrouvaient sur l’esplanade, comme par enchantement, elle se rua sur la place, au milieu de la foule des promeneurs, criant comme une folle à tue-tête :’’ Mon enfant ! Mon enfant ! Je veux mon enfant ! Redonnez- moi mon enfant…’’ Elle ameuta le village. Tout le monde se convainquit de ce qu’on en avait douté, sa perturbation mentale. Ses frères, aidés de quelques amis, l’emballèrent. Cette nuit – la même, ils trouvèrent le moyen de la conduire en ville ou elle fut internée dans une maison de santé. Dans le village, on crut à la démence de la pauvre fille et l’on clôtura le chapitre sur le fait. Parfois, quelque événement fâcheux amenait les uns ou les autres à dépoussiérer l’affaire, mais elle était vite étouffée. Elle faisait mal à tout le monde. Qui était ce fils qu’elle réclamait à si haute voix ? Personne n’en faisait mot. Personne, plutôt, n’en savait mot excepté le curé. Vous vous souvenez de la célèbre soubhié chez la femme du curé ? La matinée où les bonnes vieilles du village quittèrent l’église à la hâte pour aller aux informations le curé ayant manqué à la messe sans prévenir ?Certaines bribes d’infiltration ont couru, de bouche à oreille parmi quelques privilégiés. Des années plus tard, mais beaucoup plus tard. Le lendemain du branle- bas qui eut lieu sur la fin de ce jour, juste à la rentrée du Kesdar, vous vous rappelez… Le curé, prévenant l’avènement de l’orage et pour esquiver le drame, s’habilla à la hâte, ce soir- là, et, juste avant l’aurore, quitta prestement la maison en soufflant à sa femme mal réveillée, son départ urgent. A travers les ruelles du village endormi, il alla à grands pas.il savait où trouver Yara. Il s’y dirigea à travers les jardins pour éviter quelque noctambule attardé. A l’entrée de la hutte- refuge, il s’arrêta. Il n’y pénétra pas. Il savait que la fille y était et ne dormait pas. Yara, ma fille, dit-il doucement. Arrange tes habits et viens !c’est moi ton oncle  le curé. Il faut absolument que je te parle. La voix du prêtre, reconnue, apaisa l’esprit de la fille. Elle montra sa tête. Un bref échange, à sons étouffés, et le curé, accompagné de la petite, s’en fut dans la nuit. Le saint curé avait une parente consacrée dans une congrégation religieuse, laquelle possédait une fondation spéciale pour ce genre de cas. Il s’en fut, directement, en ville chez la parente qui le mit en contact avec la responsable. Celle-ci connaissait bien le curé. La chose ne posa pas de difficulté et Yara devint pensionnaire de choix. Le curé remit à la petite quelque monnaie, et, en sa présence, pria sa parente de lui fournir le nécessaire, et lui, le pauvre curé de village, responsable d’une vingtaine de bouches, repayerait. Dieu pourvoira ! conclut-il en saluant la petite, avant de quitter. Les religieuses ne manquèrent pas de s’occuper d’elle. Visites et soins médicaux lui furent prodigués à temps. Quand elle accoucha, elle n’eut pas la joie de tenir son enfant en mains. A peine au jour, il lui fut retiré. Le bébé devait rester un numéro. La maman ne devait pas connaitre les joies de la maternité. On la retint, encore, quelque temps. Quand elle eut repris sa ferme prière, on signifia au curé qu’il était temps de la replonger dans l’ordinaire de la société. Rentrant au village, elle avait reçu un premier coup de matraque sur le cerveau, malgré tous les efforts faits par les religieuses pour le lui épargner. Le sentiment de la maternité est un mystère que la société orientale, tribale jusqu’aux os, ne voudra jamais reconnaitre que l’honneur de la famille est supérieur à tout sentiment humain. Elle accusait, déjà, la réaction qui ne fit qu’augmenter. Les gens du village lisaient la tristesse dans ses beaux yeux sans en deviner la cause. Le souvenir des petites gens est pareil à la rosée de l’été. Elle s’évapore au premier rayon de soleil. Personne ne fit plus mention de yara durant de longs mois. Un événement dramatique reporta son nom à la première scène de l’actualité pour un très bref de temps. Les bonnes vieilles du village, comme il convient, donnant du fait la version suivante : les frères de la fille, aidés de quelques jeunes du village jugeant le cas de leur sœur très grave, trouvèrent l’occasion propice pour se débarrasser d’elle, définitivement. Ils se saisirent de la pauvre petite sur la place du village, aux yeux de tous les présents, criant à sa folie, et, on ne sait, par quel moyen, vu l’heure et les circonstances, ils l’enfermèrent dans une maison de santé. Personne n’entendit plus parler d’elle. Des mois après l’avoir internée, des voix coururent dans le village que les médecins venaient de la déclarer guérie. Aussi, fallait-il la reconduire au village. Un jeune soldat, chauffeur chez on ne sait quel officier, se fit prêter la jeep de son patron, et, aidé d’un ami, natif du village, allèrent la prendre au sana, en plein désert. Comme le land rover n’a qu’une place à côté du chauffeur, l’ami assit sur le siège avant après avoir fourré la jeune fille dans l’arrière de la voiture. La jeep filait bon train sur une piste cahoteuse. A un certain moment, on entendit un blouf sec à l’arrière de la jeep. Le jeune chauffeur freina du coup et l’on descendit voir la pauvre fille gisait de toute sa longueur, plongée dans une flaque de sang. Apeurée par les soubresauts de la voiture, elle s’était laissé projeter de la jeep en marche. C’est la version officielle qu’on circule jusqu'à présent dans le village. Les mauvaises langues disent qu’elle a été liquidée… personne n’a jamais su, ou, réellement elle a été enterrée… pendant ce temps, le bon curé avait déménagé, cherchant de quoi manger, lui et sa famille, en servant ailleurs. Il ne tardera pas à décéder dans un accident routier heurté par un camion de passage. Transporté à l’hôpital dans un état comateux, il reprendra ses esprits pendant quelques secondes, juste le temps de demander le non arrêt du chauffeur, avant de passer à meilleure vie. Longtemps avant, moi aussi, j’avais quitté la maison paternelle pour rejoindre la ville. Je reviens, une fois, embrasser mes parents avant de m’embarquer pour l’étranger où je passai mes années de jeunesse. Jeune prêtre de vingt-quatre ans, parlant l’arabe ‘’comme un arménien’’- ainsi, commentaient les vieilles commères- je rentrai au village, j’y ai eu le bonheur de ré embrasser maman. Mon père avait quitté ce monde pendant mon absence. Apres l’accueil familial, mon premier soin fut de grimper le raide escalier qui mène à l’église. Je rendis visite au saint patron du village. Je m’arrêtai quelques instants devant un monument funéraire élevé dans un coin de la cour, les cendres du vieux curé y faisaient leur dernier sommeil, je montai ensuite, me recueillir devant le tombeau de mon père. En redescendant lentement, la pente abrupte du village, mes yeux firent un tour d’horizon dans la direction des villages voisins. Des années de séparation, d’éloignement forcé n’avaient pas émoussé le courant d’affectivité qui m’a toujours relié tendrement aux objets d’antan. Un petit détour pour aller chez ma sœur aînée me replongea dans les méandres du passé. L’aire ou je moulais le blé, quoique délabrée, était toujours là. Tout à côté, quelque chose me pressa le cœur. Une vieille maison en ruines … yara ! Sœur, ou est yara ? Qu’en est- il advenu ? Un geste de la main de ma sœur ainée, trancha, nettement, le cours du passé.

Dr. Père Cesar Mourani ocd

 

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