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Table of Contents

Dr. Père Cezar Mourani ocd

Nouvelle Edition 2002

 

L'Architecture Religieuse de Cobiath (Kobayat) sous les Croisés

 

QUATRIEME PARTIE

 

Géneralités & Chapitre I

 

Après l’étude faite en vrac des divers monuments du pays, essayons de résumer.

 

Il s’agit, en réalité, de cerner de près leur certificat exact de naissance en vue de jeter quelque lumière sur l’origine de leur parenté, l’originalité de leur art, les influences subies ou le résidu de leur apport.

 

“Alors que partout ailleurs dans le monde civilisé, la conception d’une nation se base fondamentalement sur l’idée de patrie en tant qu’unité géographique”, dans l’Orient mystique et tourmenté, “la confession religieuse fut l’élément déterminant dans la formation des nations”[1].

 

Toute société étant alors d’origine religieuse, au Moyen-Orient, l’art relatif est par conséquent, d’inspiration religieuse: en d’autres termes, art et programmes cultuels sont généralement solidaires. Aussi, découvrir un programme cultuel, c’est un peu découvrir un art et un peuple, et l’art devient ainsi l’image d’une civilisation comprise comme un tout unique.

 

Dans l’art occidental, on fait, généralement, une nette distinction entre profane et religieux.

 

Au Moyen-Orient, la réalité est autre. Mise à part la période gréco-romaine durant laquelle, artistes et mécènes semblent avoir donné leurs parts respectives aux deux branches de l’art villes, palais, basiliques, androns et marchés ainsi qu’une multitude de temples immortels- l’art oriental paraît se réduire au seul religieux y compris l’art funéraire. L’enclave franque fait justement, un intermède intéressant: l’architecture militaire des Croisés a rivalisé avec leur architecture religieuse.

 

Parti de la croyance en l’immortalité de l’âme et de la foi en l’éternité des dieux, l’homme de l’Orient antique, négligeant, si l’on peut dire, sa propre maison, “abri éphémère de sa courte vie[2] prête-toute son attention à sa demeure éternelle et soigne d’une façon particulière celle des dieux. Nous n’affirmons point, en cela, l’absence totale de tout art profane nous insistons surtout sur l’absence de toute présence de cet art, car si quelque échantillon s’est sauvé, par miracle, c’est que la postérité soit, superstition, soit, croyance, s’est abstenue, généralement, de toucher aux lieux de culte alors qu’elle s’est fait une joie de démanteler les maisons humaines pour en reconstruite d’autres à sa propre image.

 

Aussi, pouvons-nous affirmer globalement, que l’art du Moyen-Orient se réduit, presque, au seul art religieux.

 

 

 

 

Chapitre I

 

Traditions Syriennes

 

A partir du centre-ville cobiathin et sur un espace à peu près égal à dix kilomètres carrées, la concentration des lieux de culte semble sortir de l’événement ordinaire. Nous avons eu le loisir de relever le plan de quelques-uns, quand aux autres, soit bouleversement causé par le temps et les facteurs naturels, soit destruction barbare en vue d’un remploi de la pierre ou bien d’un renouvellement vaniteux et ignorant, nous avons eu la consolation amère d’en établir une liste presque complète et d’en admirer les vieux chênes-verts qui en ombragent les sites.

 

 

A - Parenté d’origine et originalité des chapelles:

 

Nous avons pu distinguer trois groupes parmi les chapelles dont nous avons réussi à faire le relevé et ceci d’après le plan et le système de couverture.

 

Le premier groupe comprend trois chapelles: la chapelle de Qinia, celle de Mar Challita et celle du Felicium, formées, toutes trois, d’un vaisseau unique, à plan rectangulaire fort simple, raccordé à une abside demi-circulaire flanquée, généralement, de sacristies dans les réduits latéraux.

 

Les chapelles comprises dans la seconde catégorie sont celles à plan simple à  vaisseau unique et rectangulaire mais précédé d’un portique.

 

Les églises comprises dans le troisième groupe celui qui englobe les édifices à plan complexe, c.t.d. les églises qui possèdent deux nefs, peuvent, à leur tour et d’après le système de couverture, être classifiées en deux types: le premier est voûté en berceau, le second est couvert d’une voûte d’arêtes.

 

Dans le premier groupe, à plan simple, la chapelle du Felicium, comme nous l’avons déjà signalé, est d’abord une chapelle de château franc qui ne laisse aucun sur doute sa véritable parenté ou, sa datation.

 

Quant au style, au plan et au système de construction, elle peut être rapprochée, sans risque d’erreur, de la chapelle-donjon des Templiers à la forteresse de Chastel-blanc de Safitha[3], dont le plan est celui d’une chapelle romane à nef unique, qui a trois travées voûtées en berceau sur doubleaux, une abside semi-circulaire couverte d’un cul-de-four. De part et d’autre de l’abside, deux réduits rectangulaires, communiquant avec elles, rappellent toutefois l’usage des deux sacristies  intitulées Prothesis et Diaconicon dans les basiliques syriennes de la période paléochrétienne.  

 

La chapelle du Felicium, de dimensions plus réduites, dessine un plan presque semblable: un vaisseau unique rectangulaire raccordé à une abside semi-circulaire, flanquée d’une sacristie évidée dans l’angle Nord et donnant au sanctuaire l’aspect approximatif d’un ouvrage carré. L’état actuel du Felicium ne nous permet pas d’affirmer l’existence de la toiture en berceau ou bien des arcs doubleaux, mais les données sur le terrain permettent, sans trop risquer, de supposer, au moins, la couverture en berceau.

 

Le P. Lammens, en visite à Saydé tout juste au début du XXe siècle, écrit: « En fouillant la colline appelée “Al-Qalaa” et portant l’ancien fortin des Hospitaliers de St-Jean, on a découvert les fondements d’une seconde église, identique pour le plan à la première…"(cfr. Dussaud, voyage en Syrie, dans notes archéologiques, oct.-nov. 1895”[4].

 

Nous avouons humblement ne pas avoir retrouvé les vestiges de cette seconde église.  A-t-elle été effacée par les travaux de terrassement faits sur la colline ou bien a-t-elle été remblayée par les facteurs naturels? N’oublions pas que l’église actuelle de Notre-Dame du fort a emprunté la plupart de ses pierres à l’appareil du château franc.

 

La seconde chapelle, celle de Qinia a un plan plus ou moins pareil à celui du Felicium. Elle accuse presque les mêmes dimensions avec une seule porte d’accès au Nord-ouest et une sacristie au Nord-est. Deux détails, apparemment sans importance, donnent à chaque monument une personnalité autonome: la chapelle de Qinia possède une abside emboîtée dans un chevet carré alors que le sanctuaire du Felicium forme une semi-rotonde à l’intérieur, comme à l’extérieur: le second point de différence entre les deux chapelles c’est que la sacristie du Felicium s’ouvre directement sur la nef par une entrée principale et par un passage latéral sur le sanctuaire, alors que l’abside de Qinia, continuant franchement les murs de rive de la nef, met la sacristie tout à fait au côté Nord de la chapelle et un seul passage latéral relie l’abside à la sacristie.

 

Quant au troisième lieu, celui de Mar Challita, nous pencherions pour le classifier dans la série des monuments environnants et ceci pour plus d’une raison malgré les ressemblances qui le font rapprocher de la chapelle de Qinia. Nous avons déjà insinué la possibilité de l’existence d’une chapelle juxtaposée sous l’amas de pierraille qui encombre le côté Nord de la chapelle. Or, nous nous permettons, à la fin de cette enquête, de n’en plus douter. Deux lectures, en effet, sont possibles dans le cas de cette église: ou bien elle a appartenu au même peuple et à la même période historique que les autres monuments, chose fort logique dans son cadre géographique et par conséquent, elle doit répondre au même programme cultuel répandu dans la vallée cobiathine; ou bien, elle a été construite plus tard. Or, cette dernière proposition manque, comme nous l’avons démontré, ailleurs, de fond historique valable. Déjà Monseigneur Zraiby, dans son manuscrit cité plus haut, se demandait, à distance d’un siècle, sur l’origine de ce monument qu’il croyait pouvoir reporter, d’après la tradition, au temps des Croisades[5].

 

Le second groupe comprend les chapelles à plan simple mais raccordé à un portique.

 

Dans cette catégorie, nous avons réussi à relever les infra structures d’une seule église, celle de Mar Nouhra à Fsaqine. Etait-ce une petite église paroissiale ou bien desservait-elle une installation monastique. Quand même, ce genre de plan, répondant parfaitement aux canons de l’architecture maronite du Liban trouve une abondante application dans les antiques églises de Jbail et Batroun. Rappelons, à ce propos, la petite église du Saint-Sauveur à Koubba, église à laquelle on attribue, normalement mais sans raison, une parenté franque alors qu’elle crie, hautement, ses origines maronites. St-Phocas d’Amioun qu’on attribue aux Croisés malgré sa parenté libanaise.

 

Les chapelles de la troisième catégorie peuvent, à la rigueur, exposer au doute leur communauté d’origine et ceci si l’on se tient à certaines raisons qui nous semblent superficielles: voûte en berceau ou voûte d’arêtes, la distinction ne peut tenir lieu, ni de critère stylistique ni de moyen de datation, car, au rapport de C. Enlart lui même, les Francs firent en même temps usage des deux systèmes de couverture indifféremment; en effet, dit le célèbre archéologue, on rencontre parfois les deux couvertures dans le même édifice. Si le berceau, de facture plus simple, se prête plus facilement à l’exécution, l’arc croisé, avec tout ce qu’il peut comporter comme pilier, pilastre, colonne, colonnette engagée et chapiteau, offre plutôt un décor exubérant: “ Peut-être ces deux manières de voûter sont-elles celles de deux régions ou plutôt de deux ateliers et non celles de deux périodes “[6]. Il ne s’agit pas donc d’un critère ante ou post quem mais bien plutôt d’un fait d’esthétique. Au point de vue esthétique les églises de Mar Sarkis et de Deir ‘Nein sont, en effet, beaucoup plus belles que leurs autres consœurs. On peut, cependant, objecter la différence de plan entre les églises de Ghozrata, des Sts. Georges et Daniel à Chouita et celui des autres églises à plan double. Nous pensons que cette différence ne tient pas débout étant plutôt imposée que voulue.

 

Par respect des lieux vénérés, les anciens, à l’encontre des contemporains, mettaient un soin particulier à conserver les monuments antérieurs. Les cryptes paléochrétiennes ou les chapelles postérieures conservées minutieusement dans certaines grandes basiliques, en sont un vivant témoignage[7]. Nos églises ne se sont pas substituées aux anciens sanctuaires, dans le sens strict du mot, mais elles ont été élevées sur le même site, le nouvel ensemble englobant souvent ce qu’il y avait de valable dans l’ancien. Nous avons signalé plus haut l’existence possible d’une ancienne crypte sous l’église des Saints Georges et Daniel à Chouita.

 

L’église de Qammaa est encastrée dans un monument antérieur; le linteau de l’église antique est encastré dans la partie nord-ouest de la façade occidentale de la chapelle nord de l’ensemble de Notre-Dame de Ghozrata. 

 

Or, nous pensons que le décalage entre les chapelles, soit à Chouita soit à Ghozrata est simplement dû à l’existence, sur le terrain, d’un ancien lieu sacré. Les constructeurs postérieurs, soucieux de l’intégrer dans le nouvel ensemble, se sont trouvés dans l’obligation de lui flanquer les deux nefs de la nouvelle église, lesquelles, de la sorte, sont devenues, pratiquement, deux chapelles contiguës. Notre version ne peut, cependant, pas tout expliquer. Si le décalage ou le retrait d’une chapelle par rapport à l’autre, parait motivé raisonnablement par le désir de conserver les anciens lieux de vénération, comment motiver les différences de mesure ou, bien le désaxement central nettement sensible et généralisé dans ces chapelles-là? Nous nous trouvons face à un programme cultuel à déchiffrer ou, mieux, nous affrontons, tout simplement, un problème de conception de l’église en tant que telle, soit dans le pays en question, soit chez un peuple déterminé.

 

Cette parenté d’origine de nos chapelles se manifeste aussi dans plusieurs autres domaines, surtout dans le choix du site et le mode de la construction.

 

 

B - Le Choix du Site:

 

Trois constantes régissent le choix du site à travers presque tout le Moyen-Orient.

La première c’est le choix d’un lieu élevé, montagne, colline ou n’importe quelle excroissance dans un terrain plat.

Les points d’eau, sources, torrents ou citernes, conditionnent généralement le choix du site aussi bien que la grande propriété sensée fournir les moyens nécessaires à la subsistance des servants.

 

1.     La montagne, choix et symbolisme :

Placés dans un carde géographique presque toujours pareil, nos églises se dressent normalement sur un éperon dégagé du terrain adjacent au moyen de Ouèds ou bien de vallonnements creusés sur trois de leurs côtés, le quatrième faisant, généralement, partie intégrante de la montagne, de la colline ou de la falaise qui surplombe.

 

Pourquoi le choix précis de ces endroits?

Il serait, d’abord, inexact d’affirmer la liberté des constructeurs dans le choix de l’emplacement de nos monuments, car, en relevant de leurs cendres les anciens édifices, ils ont réparé plus qu’ils n’ont innové.

 

Les églises, toutes ou presque, s’élèvent sur l’emplacement d’anciens lieux de culte chrétiens qui s’étaient, à leur tour et parfois, substitués à des temples païens; ils ont, d’autres fois baptisée, directement, quelques-uns de ces temples antiques. Dans tous les cas, le site devient un critère de classification fournissant la possibilité de regrouper les églises en trois ensembles.

- Le premier regroupe à notre connaissance, quatre sites seulement: le petit monument de Mar Challita qui s’est installé dans un coin du vaste temple de Hilsban, la chapelle qui a revêtu la celle du temple dit Maquam-er-Rabb, à Menjez et dont il ne reste plus rien et le petit temple d’Akroum transformé en église.

- Le second, celui qui groupe les chapelles construites en remplacement d’églises antiques élevées, elles-même, sur l’emplacement de temples païens, est représenté par plusieurs sites qui ont donné leurs preuves. Nous citons à titre d’exemple le site de Kammaa dont le nom d’origine syriaque tient lieu de preuve concluante; celui de Mar Doumith qui expose ses grandes jarres de service dan l’actuel couvent des Carmes; ou bien la place de Saidet Chahlo qui, quoiqu’elle vient d’être rénovée, garde comme un précieux joyau son archaïque autel d’offrande phénicien.

- Quant à la troisième série, celle qui représente les chapelles en remplacement d’anciennes églises, cette série regroupe un grand nombre de monuments.

 

Notons, à ce point, un fait déjà remarqué par les archéologues[8]:

Les nouveaux édifices, bien qu’ils remplacent d’autres plus anciens, ne suivent jamais, dans leurs fondements, les fondations antérieures de sorte qu’on réussit souvent à suivre le tracé de ces dernières[9].

 

A travers l’étude des plans déjà relevés, nous avons, parfois, souligné la présence de ces antiques fondations. Nous pouvons dire, pour résumer, que si les architectes de nos chapelles n’ont pas pu choisir, les anciens, eux, ont choisi et librement, car preuve à l’appui, c’est toujours la même configuration de terrain qui se répète. Pourquoi alors le choix de la montagne? Y-a-il quelque valeur sur le plan historique et religieux?

 

La montagne, thème traditionnel dans la Bible, symbolise, aux yeux du peuple hébraïque “la demeure de Dieu”:

“Il arrivera dans les derniers jours que la montagne de la maison du Seigneur se tiendra plus haute que les monts, s’élèvera au-dessus des collines…

Ils diront: venez! Montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jocob.”[10]  Moise reçoit les dix commandements sur la montagne. Abraham escalade la montagne pour offrir son fils, en sacrifice acceptable aux yeux de Seigneur. Le prophète Elie se retire sur la montagne du Carmel pour invoquer le Seigneur. Dans le nouveau Testament, Marie “abiit in montana” [11] afin que Jean soit sanctifié, avant terme, par le Christ. Jésus, lui-même, se retire sur la montagne pour parler à son Père[12].

 

Les Phéniciens du littoral libanais ainsi que les Cananéens de l’intérieur choisissaient des lieux élevés pour dresser leurs temples. Les lieux de culte païen, écrit le Père M. Nakouzi, se trouvaient souvent sur les sommets des collines, des éminences et des montagnes comme on peut le constater dans les temples phéniciens construits au-dessus des cimes du Liban… Ces temples se trouvaient aussi dans les vallées où les ombres mystérieuses dérobaient, aux regards indiscrets, certains cultes honteux[13].

 

Le prophète Ezéchiel, rapportant la parole de Dieu, s’écrie: “ Vous saurez que je suis le Seigneur quand leurs morts (Cananéens) seront parmi leurs idoles, autour de leurs autels, sur chaque colline élevée et sur toutes les cimes des montagnes et sous tout arbre verdoyant et tout chêne-vert noueux…”[14]. Le culte païen se déroulait soit dans les temples où, à part quelques rares vases sacrés, se trouvaient autels et stèles[15] soit, à l’extérieur des temples, dans des forêts naturelles ou bien plantées de main d’homme[16].

 

La présence des stèles à l’intérieur des temples expliquait deux idées, en principe, opposées, mais qui se retrouvaient en finale:

- Certaines pierres sont la demeure de la divinité[17] rappelons, à ce propos le culte de la pierre chez les anciens arabes mais ces pierres étaient, le plus souvent d’origine météorique; elles étaient appelées, par les Sémites, Bet-Ael, demeure de Ael-Dieu, et, passés à la langue française sous la forme béthyle.

- On prête, à ces mêmes pierres, des fonctions de maternité, ainsi qu’un rôle de paternité, au bois[18].

 

Dans le temple cananéen, le “mât” constituait un élément très important; représenté par le tronc ou le pieu sacré, le “mât” symbolisait une idée religieuse fondamentale chez les anciens Sémites; dans certains arbres, les plus touffus et les plus gros surtout, habitait la divinité. Les Cananéens, réunis à l’ombre de ces arbres, reprenaient contact avec les âmes de certains personnages illustres[19]. Ainsi le “mât” cananéen, la «pierre dressée»d’Abraham l’hébreux, la montagne-monolithe phénicienne et le béthyle arabe, (les quatre peuples appartiennent à la même race sémite) représentent la verticalité figurée par la priorité de l’esprit sur la matière, la victoire de la vie sur la mort[20].

 

Cet appel du divin, concrétisé en Mésopotamie, pays de plaines, par l’originale ziggourat, fixe ses temples sur les hauteurs du Liban.

 

2.     L’eau:

Le choix du site est conditionné par la présence de l’eau. Celle-ci peut jaillir d’une source et être jugée suffisante aux besoins prévus d’où le choix de la colline, de la montagne ou de l’éperon qui en jouissent.

 

Parfois l’eau d’un puit ou d’une citerne conditionne le choix du site. Cette eau peut avoir un caractère religieux et être l’objet d’un culte particulier.

 

Dans ce cas, elle est, le plus souvent, incorporée aux bâtiments de l’église, tels sont, par exemple, les puits de Jacob, de la Samaritaine, de la Vierge Marie à Nazareth, ainsi que la citerne de Cana, en Palestine. En Syrie, citons la célèbre Source Sabbatique (la Chabtouna des textes pharaoniques) reliée au culte de Saint-Georges et située aux environs du Crac des Chevaliers.

 

Le plus souvent, l’eau n’a qu’un caractère purement utilitaire. Il en est ainsi de la plupart des citernes aménagées à côté ou, bien sous un grand nombre d’églises pour recueillir l’eau de leurs terrasses.

 

L’eau de ces citernes servaient aux besoins liturgiques, (ablutions rituelles, baptême, eau bénite) au nettoyage de l’église et, surtout, à la consommation.

 

A Safitha, un puit contenant une source, existe sous la cour à l’angle sud de la façade occidentale de la chapelle-donjon, reste, toujours, vivant de l’ancien Chastel-Blanc des Croisés. On trouve de ces citernes à Tartous en Syrie, et, au Liban, à Jbaïl sous le bas-côté Nord en communication avec le baptistère. A Saint-Phocas d’Amioun et à Saint-Sauveur de Qoubba, un puit existe derrière l’abside.

 

D’autres fois, la position stratégique du site dicte le choix. L’eau de source manquant, on a alors recours à l’eau de pluie: C’est ce qui explique les nombreuses citernes, qui, recueillant l’eau des terrasses, desservent la plupart de nos sites Cobiathins. Les monuments de la vallée d’Oudîn (Mar Elias, Mar Elian et Mar Saba) font exception, ils sont desservis par une source à grand débit; le nabaa-el Qabou. Une petite source, très appréciée jadis des caravaniers empruntant la piste Halba-Cobiath, la Ain-ed Delbé, jaillit à quinze mètres au sud de l’église de Fsaqine. La petite chapelle de Qlehta-cinq kilomètre de marche à l’ouest du Felicium, n’est qu’à cent cinquante mètres environ du cours de Nahr-el Kébir[21].

 

3.     Le Domaine:

Une troisième constante est, cependant, observée lors du choix du site, c’est le domaine ou la grande propriété sensée subvenir à la subsistance de l’individu ou de la société de base. Toutes les églises du Cobiath, monuments antiques ou églises de paroisse, jouissent d’un domaine, le “waqf”, géré par un ou plusieurs responsables. Le waqf d’aujourd’hui représente, à la rigueur, la grande propriété d’autrefois dont l’existence influençait normalement l’option pour un site ou pour un autre.

 

Le waqf est, souvent, constitué par les restes de la grande propriété auxquels des donations ultérieures sont venues s’ajouter. Nous avons signalé, à ce propos, les chartes franques qui ont, jadis, établi les “waqfs” de certaines églises latines d’alors.

 

Tous les sites où se trouvent nos monuments sont entourés de riches terrains cultivables. Oudin, Hilsban, Chouita, Qamma’a sont rendus célèbres par leurs sanctuaires; Nous pensons, cependant, que se sont les richesses des lieux qui ont été à la base du choix du site.

 

 

 

C - Un peuple : Un culte

 

Dans notre aperçu historique, nous avons essayé de reporter la parenté des anciens monuments religieux du Cobiath, au peuple maronite, habitant du Liban et allié naturel des Francs. Malgré le silence des documents relatifs à leurs origines, nous avons cerné, d’après l’enchaînement historique, la période de leur fondation et l’identité du peuple propriétaire. L’archéologie peut-elle, à ce point, faire écho à la lecture de l’histoire?

 

L’art de ces monuments, compris comme programme cultuel, peut, à notre avis, jeter quelque lumière sur l’énigme de leur genèse et ceci pour deux raisons:

- Les chapelles appliquent, d’une façon générale, les canons de l’architecture religieuse maronite.

- D’autre part et, c’est là le point le plus important, nos chapelles ne sont point orphelines, elles ne font que suivre le tracé d’un plan largement appliqué à travers le Liban maronite.

 

1 - Canons de l’architecture maronite:

L’architecture religieuse chez le peuple maronite a fait l’objet de plusieurs études. La dernière en date est l’œuvre monumentale du Père Boutros Daou.

 

Comme il est, dans notre intention, de trouver, tout simplement, une parenté à nos chapelles cobiathines nous essayerons de les rapprocher de monuments semblables dont la date de construction, la parenté et le style ont été établis par le patriarche E.Addouaihi dans ses “Annales des temps” et confirmés d’une façon indubitable par le Père Lammens à la fin du XIX.s.[22].

 

Les canons de l’architecture maronite ont été fixés, il y a longtemps, d’une façon définitive. Le Patriarche Douaihi en avait réuni les principaux éléments dans un ouvrage intitulé “Manarat-el Aqdas”, éléments recueillis, vers le milieu du XVII s., d’après “ la tradition et les recommandations des Anciens Pères”.

 

Les lois de l’architecture maronite ne forment pas un tout original: il y en a qui sont communes à toute architecture religieuse et, si jamais il y a originalité, celle-ci ne concerne pas les détails architectoniques, mais bien plutôt le symbolisme particulier donné à cette architecture.

 

Au rapport du même Patriarche[23]: “ les Saints Pères ont divisé les grandes églises en trois parties: le sanctuaire (le Saint de Saints) le chœur (le Saint) et la nef; les trois parties correspondent aux trois personnes divines. Ceci apparaît nettement dans nos anciennes églises, en particulier dans l’église Mar Mama à Ehden construite en l’année 749; et l’église Mar Saba à Bcharré, datée de l’an 1112…”.

 

2 - Le Saint des Saints:

“…Quant au Saint des Saints, écrit le patriarche Addouaïhi, il était, au-paravent caché. Les Pères ont ordonné d’y ouvrir deux portes, en deçà et en delà du chœur (Saint) et que les fidèles y pénètrent de la nef. Il a été transformé en Khizanat (armoire). On y a dressé un petit autel, au centre. A droite, on a élevé la coupole du baptême. Il y avait une place pour “l’Arche des Sacrements”, les habits du service religieux, les outils sacrés, les livres liturgiques, les reliques des saints, ecc…

 

…On y élit les archiprêtres (le chef des prêtres) on y commence l’ordination des diacres et des prêtres. On y transfère les restes des mystères, on y bénit les enfants et on y fait les processions…”[24].

 

Dans le Saint des Saints, en plus des sièges destinés au clergé, il y a le tabernacle ou” l’Arche des Sacrements “. Celui-ci contient quatre objets: le corps du Seigneur, le saint chrême, l’huile sainte et l’eau du baptême.

 

3 - L’Autel:

“Les Saints Pères, continue Addouaïhi, ont établi que l’autel fut en pierre, symbole de la pérennité du sacrifice…”

 

“… L’autel doit être en pierre de forme rectangulaire car c’est une table plus longue du sud au nord que large d’est en ouest, pour porter le missel, l’encens et les autres livres de prière…”

 

Un ou plusieurs degrés doivent précéder l’autel, car il est assez élevé du sol, comme il doit être isolé du mur de l’abside pour permettre au clergé de faire les processions.

 

“L’autel doit être concave pour permettre le ramassage des restes sacrés, comme il doit être percé, à l’est, d’un trou pour y placer les saintes reliques, celle-ci pouvant être retirées au moment voulu…”

 

“…Les anciens Pères, ainsi qu’on peut s’en rendre compte dans l’église Mar Saba à Bcharré et celle de Notre-Dame à Alep, ont ordonné qu’il y ait au-dessus de l’autel, dans les grandes églises, une belle coupole soutenue par quatre colonnettes et fermée par quatre rideaux, comme elle doit être surmontée, aux coins, de quatre statues représentant les quatre anges ou les quatre bêtes de l’Apocalypse. Le couple doit être surmonté d’une pomme et celle-ci d’une croix”.

 

4 - La Nef :

La nef de l’église se composait d’un ou de plusieurs vaisseaux.

- L’église à vaisseau unique inspirée, primitivement, de l’architecture de l’andron antique a vu le jour au mont Baricha en Syrie du Nord, vers le milieu du IV s. Ce modèle de nef, simple et facile à construire fut très répandu parmi les Maronites du Liban surtout durant la période de décadence qui frappa l’art syriaque après l’invasion arabe du VII s.

- Le plan de l’église de type basilical a vu le jour, en Syrie du Nord, au Jabal Semaan en particulier. Dans tous les cas, la basilique maronite de Syrie devait avoir les éléments suivants:

a- Une nef rectangulaire divisée en trois vaisseaux par deux séries de colonnes.

b- Ces colonnes devaient être surmontées d’arcades.

c- Une série de fenêtres percées dans les murs de rive de la nef centrale.

d- Le vaisseau central plus large que les collatéraux doit s’élever au-dessus de ces derniers et être couvert d’une toiture à deux plans inclinés.

e- Les collatéraux ont une toiture inclinée à plan unique prenant racine au-dessous des fenêtres du vaisseau central.

f- Une toiture faite de bois couvert de tuiles rouges.

 

L’intérieur de la nef était vide de tout siège. Ainsi, la tenue verticale était la position rituelle des fidèles durant les cérémonies liturgiques. Les prières étant longues et réitérées (trois fois par jour pour de longues heures) les prêtres et les fidèles, les plus faibles en particulier, s’appuyaient sur des bâtons.

 

“Nos Pères du siège partriacal d’Antioche ont négligé l’emploi des chaises et se sont donné l’obligation de prier debout selon la parole du Seigneur: Si vous vous levez pour la prière dites: Notre Père qui êtes aux cieux…

 

L’histoire nous renseigne que les disciples de notre vénérable Père Maroun ont passé toute leur vie debout, de jour comme de nuit, divisés en deux chœurs devant la porte royale… quand aux prêtres et aux diacres, ils s’appuyaient sur des bâtons pour soutenir le corps affaibli, tandis que les supérieurs prenaient place sur des sièges, vu la dignité à laquelle ils étaient parvenus”[25].

 

Les fidèles maronites n’employèrent pas les chaises dans leurs réunions liturgiques auxquelles ils assistaient debout.

Les plus faibles avaient recours, eux aussi, à l’appui de bâtons quand cela était vraiment nécessaire[26].

La nef contenait, par contre, “ les Lutrins, les mimbars, les fonts baptismaux, les bassinets de l’eau bénite, les miroirs, les œufs d’autruche et les naqous ecct…”.

 

Ces objets étaient disposés de la façon suivante:

 

a) Deux pupitres étaient placés de part et d’autre du chancel pour la Prière Universelle qui était faite de jour et de nuit, on y lisait les Ecritures Saintes le martyrologe et la vie des saints.

 

b) Le mimbar ou béma qu’on dressait dans la nef était placé par les uns, au bas de l’église, par d’autres au centre et par quelques-uns au-Nord du drabzoun (chancel) on y faisait, la lecture des Epitres, des Evangiles, le sermon et la bénédiction du Saint-Chrême…

 

c) Dans la nef, on place aussi les fonts baptismaux; ils étaient autrefois, déposés à l’extérieur de l’église ou, bien sous le portique, car l’accès à l’assemblée sainte était permis au seul “enfant de lumière”,

Les fonts baptismaux furent ensuite transférés à la Khizanat (trésor) car il y a là “ l’arche des sacrements”[27] (Errazat) comme on peut s’en rendre compte dans l’église de Mar Saba à Bcharré[28]. On avait l’habitude de placer, suspendue au-dessus du bassin, une colombe symbole de l’Esprit. Le bassin était, naturellement, taillé dans la pierre.

 

d) D’autres bassins étaient déposés dans la nef. Ils servaient à recevoir l’eau bénite le jour de l’Epiphanie ou bien en d’autres circonstances.

 

e) On y suspendait aussi des miroirs ronds et des œufs d’autruche, tout ceci avait un symbolisme précis[29].

 

f) ” Dans la nef, on plaçait les naqous (tocsins) pour appeler les fidèles à la prière” [30].

 

- Le sanctuaire, divisé généralement en trois parties comprenait le Saint des Saints avec deux chambrettes à ses côtés.

- Le Saint des Saints est parfaitement Orienté.

- Le Saint des Saints est relié à la nef par un arc ou une arcade.

 

Soulignons, à ce point, que ces Canons de l’architecture maronite ne s’appliquent pas, seulement, aux églises de la Syrie antique, mais il est fort aisé de les lire dans les anciens édifices sacrés du Liban telles les églises de Faqra, Ghiné, Zehrani, Khaldé, Jbaïl et bien d’autres. Les deux siècles qui suivirent la conquête islamique virent peu à peu l’essoufflement du dynamisme artistique et culturel du peuple maronite. De cette période nous gardons l’église de Mar Mama à Ehden, la seule datée jusqu’à présent, c’est une petite église, de type basilical mais à deux nefs. La séparation est faite par une série d’arcades sur colonnes, l’abside, cependant, semi-circulaire, est empâtée dans un ouvrage carré qui semble postérieur à l’église.

 

5 - L’abside :

A propos d’abside, disons que, pareille à celle des antiques églises, elle devait être échancrée à l’intérieur alors que l’extérieur était saillant et de forme semi-circulaire comme on peut constater cela dans les églises d’Ehden (Saint Georges) et de Kferhai [31].

 

Quel était le nombre des absides dans la basilique maronite? “Les églises indigènes à collatéraux, écrit C. Enlart, ont souvent une abside unique, les collatéraux se terminant à l’Est par un chevet droit. Par contre, les églises des Croisés qui ont des bas-côtés possèdent trois absides…”[32].

 

A l’origine, l’architecture syriaque disposait d’une abside pour chaque nef; le système, appliqué, pour la première fois, dans les églises de Qalaat Simaan au VI s., se généralisa dans les basiliques syriennes et devint plus tard une loi de l’architecture religieuse européenne du Moyen-Age.

 

L’abside semi-circulaire était-elle de rigueur? La règle du sanctuaire semi-circulaire, à l’extérieur comme à l’intérieur n’était pas aussi rigide et pouvait avoir d’autres applications comme le plan qui consiste à donner à l’extérieur seul des absides, le tracé polygonal, primitivement très fréquent dans la basilique de Saint-Siméon le stylite au nord d’Alep.(VI s.).

 

Les anciennes absides étaient, normalement flanquées de chambrettes carrées utiles au service de l’église, c’étaient des sacristies appelées par les Grecs, prothesis et diaconicon et par les Latins, secrétariat.

 

L’avènement des Croisés redonna du souffle à la construction religieuse du Liban. Les architectures maronites du XII s. remirent en honneur l’esprit de leur architecture sans, toutefois, le culte du détail.

 

Ainsi, la basilique de Mar Daniel à Hadath-el Jobbé, datée du XIIème.s., avait trois absides dégagées et semi-circulaires. L’église, précédée d’un portique voûté, avait une belle coupole[33].

 

L’église de Maad (Jbail) avait trois nefs, celle de Sghar (jbail) en avait deux, raccordées à deux absides, alors que les trois nefs de l’église de Rachkida (Batroun) étaient reliées à trois absides et précédées d’un large portique. Une variété intermédiaire consiste en une abside et deux niches: le vaisseau central est raccordé à une belle abside emboîtée dans un ouvrage carré alors que les murs Est des collatéraux sont droits et percés de simples niches. L’appui de ces niches servait occasionnellement de table d’autel; la disposition, d’origine orientale, passa au XII s. en Europe. Rappelons que l’église Saint-Saba de Bcharré en était un bel exemple.

 

“Il ne fait aucun doute, écrit le P.Lammens, que les Maronites ont négligé la construction des absides circulaires depuis qu’ils se sont rapproché des Latins dans le style de leurs églises et dans leurs traditions liturgiques”[34].

 

Pourquoi donc une abside dans une église? Est-ce, simplement, un besoin matériel comme le laisse entendre le grand historien maronite:

 

“Il faut, toujours, que le maître-autel soit seul afin qu’on puisse faire, autour de lui, les bénédictions, les processions et les cérémonies liturgiques prescrites par les Pères; Pour cela, il ont ordonnée de construire une abside, autour de lui, du côté de l’Orient afin de ne pas le gêner par un mur avancé…”[35].

 

Nous pensons plutôt au symbolisme fondamental qui a été à la base de l’invention de la coupole. Le Père B. Daou écrit à ce propos: “ On a pris en considération le sens symbolique qui a revêtu les absides et les coupoles d’une sacralité particulière car elles furent considérées comme symboles avant précurseurs du ciel… l’arcade et l’arc ont symbolisé la victoire comme l’Orient a été source de Lumière…[36].

 

6 - Escaliers:

Des escaliers desservaient les terrasses des églises maronites. Ces escaliers pouvaient avoir plusieurs formes et dispositions. Quelques uns, droits et étroits étaient ménagés dans l’épaisseur des murs ainsi qu’on en peut constater des vestiges dans le mur médian de Saint-Georges à Chouita ou bien dans les ruines du Deir à Qinia; d’autres étaient encastrés dans les triangles déterminés par l’empâtement de l’abside dans un chevet droit comme à Notre-Dame de Ghozrata. D’autres escaliers étaient à vis, comme à Tartous. Parfois, l’escalier droit ou bien à vis, se logeait dans une tour carrée adossée à la façade de l’église comme à la chapelle Saint-Sauveur de Qoubba (escalier à vis).

 

Une église du XII s.[37] comme celle de Sainte Catherine à Enfe était desservie par deux escaliers placés haut le long des murs de rive, à l’intérieur de l’église, et à moins d’un mètre des angles de la façade occidentale.

 

Au départ des Croisés et sous les restrictions imposées par les Mamelouks, l’art religieux maronite subit une véritable crise qui se prolongea jusque sous les Ottomans.

 

Les églises perdirent l’éclat de leurs aînées-syriaques et devinrent des lieux de culte presque informes. Réduites à de simples salles, sans aucun aspect artistique, courtes, étroites et fort basses, les escaliers, faute de place, furent disposés à l’extérieur des églises. De longues dalles de pierre, mises à un certain niveau du sol et fichées parmi les assises du mur, d’une façon graduelle, menaient jusqu’à la terrasse. Pour y accéder, on avait besoin d’une échelle, corde ou bois, qu’on plaçait et retirait à volonté.

 

 

 

 

D - Reflets:

 

Les monuments du Cobiath, peuvent, sans aucun doute, s’inscrire dans la ligne maîtresse de la tradition architecturale syriaque, mais ils représentent, toutefois, les parents pauvres auprès de leurs riches ancêtres syriens. Vus à la lumière du passé, on y relève les mêmes constantes structurales:

 

1. Un emploi mixte de lignes courbes et de lignes droites:

- La ligne courbe est visible dans les arcs et arcades en berceau abside en cul-de-four, arc triomphal, arceaux et arcades sur colonnes ou piliers.

- La ligne droite est, cependant, moins fréquente, elle est représentée dans les pignons triangulaires, les toitures en pierre-dalles sur consoles-et dans certains cadres des portes et des fenêtres.

 

2. L’emploi de l’arc en berceau est constant.

 

3. En principe, les pierres sont taillées de façon à se tenir enchevêtrées l’une dans l’autre, sans aucun liant(a). Le crépi cobiathin est motivé par la pauvreté des matériaux et parfois par la peinture.

 

4. Une même forme de linteau se retrouve dans les lignes courbes: c’est un long et large monolithe évidé en arcature en berceau.

 

5. Un même style préside à la facture des citernes: goulot étroit, panse ovale élargie en tonneau, le tout est couvert d’une dalle carré perforée ad hoc pour livrer passage à la corde et au vase d’usage. Généralement, le terrain environnant est en affinité avec la citerne; il a reçu une préparation appropriée; rigoles, bassins et rainures couvrent le banc rocheux pour recueillir une quantité maximale d’eau de pluie.

 

6. Les mêmes traditions se retrouvent dans les cérémonies funéraires: On retrouve les mêmes tombes soit à arcosolium (longueur = deux mètres environ; largeur variant entre 70 et 80 cm sur une profondeur d’un mètre) soit tombes sub divo couvertes de grandes dalles biseautées.

 

7. Les mêmes formes de croix se répètent d’une façon constante: croix syriaque à bras libres et pattés ou bien la croix inscrite dans un cercle, d’origine pré-chrétienne.

 

8. L’abside revêt plusieurs formes: normalement elle est flanquée de sacristies, une ou deux selon les nécessités et les circonstances.

De forme circulaire ou octogonale, l’abside est saillante ou prise dans un massif carré, parfois simple et souvent ornée. Plus tard, à partir du 8em siècle, surtout durant la période franque, l’abside, pour des raisons de sécurité, sera prise dans un massif carré.

 

9. Citons enfin un dernier trait: La forme des latrines employées dans les tours des reclus ou les colonnes des stylites a été largement adoptée dans les châteaux-forts du Moyen-Age sous forme d’échauguette.

 


[1]  BOULOS Jawad, Les grandes étapes de l’Histoire, p. 217.

[2]  Lire, à ce propos, le psaume 48.

[3]ENLART Camille, Les Monuments des Croisés dans le Royaume de Jérusalem, Vol. II,P.51.

[4]Cfr, à ce propos, LAMMENS H., Notes épigraphiques et topographiques sur l’Emésène, Louvain 1902.

[5]  Lors du déblayage du temple et de la petite chapelle en ruine de Mar Challita, déblayage exécuté par la brave “ Oum Walid” nous avons eu la consolation de voir se réaliser toutes nos suppositions ainsi que l’opinion de feu Mgeur Zraibi, relatives au passé de Mar Challita. Nous avons eu le bonheur de suivre le déblayage et de fixer sur pellicule le linteau et le seuil de l’église paléochrétienne. On voit, au second plan, les belles pierres des assises de la façade occidentale de l’église moyenâgeuse qui y était encastrée. 

[6]  ENLART Camille, Architecture religieuse des Croisés, I, P. 63.

[7]  ENLART Camille, Architecture religieuse des Croisés, vol. I, P. 65

[8] ENLART C., Architecture religieuse des croisés, vol. I, P. 35.

[9]  Voir plus haut le plan de N.D. de Qammaa.

[10] Isaïe, II , versets: 1 - 8 .

[11] LUC,Ch. I, la visite à Elisabeth.

[12]  Jean, la pêche miraculeuse.

[13]  Nakouzi Mikhaïl, Tabarja P. 82

[14] Ezéchiel, 6/13.

[15]  Deut, 12/3.

[16]  Rois, III, 16/33.

[17]  Is. 57/6.

[18]  Jérémie I, 27.

[19] NAKOUZI Mikhaïl, Tabarja p. 84

[20] NAKOUZI Mikhaïl, Tabarja p. 85

[21] “Dès le début du christianisme, les enfants de la foi ont commencé à construire les églises, à y canaliser les eaux des sources ou bien à creuser des puits devant elles afin que ceux qui y entrent se lavent selon la parole de Saint Jean Chrysostome: il faut que nous nous lavions les mains entrant à l’église…”  Addouaïhi Est., Manarat el Aqdas, vol. I,p. 57. Cfr. étiam Lammens H.,Vestiges du Liban, vol.Ip.90. “Beaucoup des églises du Liban possèdent, à leur intérieur, des citernes…”. “En divers endroits, les citernes sont placées au-dehors, à côté du portique par exemple…”. 

[22] LAMMENS H., Vestiges vol. Ip. 70 ss.

[23] ADDOUAIHI Est., Manarat el Aqdas, vol. Ip. 103 ss.

[24] ADDOUAIHI Est., Manarat el Aqdas, vol. I, p.129

[25] ADDOUAIHI Est., Manarat el Aqdas, vol. I P.121

[26] ADDOUAIHI Est., O CPC

[27] Nous essayerons plus tard de localiser le “trésor” quant au contenu de “l’Arche des Sacrements”, voir plus haut page 18

[28] voir plus haut la page 18

[29] “ les miroirs, écrit le Patriarche Addouaïhi, indiquent la propreté: Comme les gens regardent leurs visages dans les miroirs pour les nettoyer de toute souillure corporelle, ainsi, il faut nettoyer son âme de tout mal qui aurait souillé l’image de Dieu…”…” le miroir signifie, aussi que les saints, au ciel, contemplent le visage de Dieu…”crf. Manarat-el Aqdas, P.126-127. “… Par les œuf d’autruche, on veut symboliser la persévérance dans la prière et la méditation des mystères de Dieu… On dit que cet oiseau (l’autruche) ne couve pas ses œufs, mais il les regarde de loin. Quand la femelle est fatiguée, le mâle en prend la relève. Si, jamais, leur regard est détourné, ailleurs, les œufs moisissent…”. Mnarat-el Aqdas, P. 127. Rappelons que, d’après le vénérable patriarche, l’Eglise a reçu ces coutumes de la tradition judéo-chrétienne: “…Les miroirs étaient suspendus dans le temple de Salomon..” “L’Eglise a reçu la coutume de sonner le tocsin, du vénérable Noé qui le sonnait trois fois par jour pour rassembler les ouvriers, soit pour travailler à l’arche, soit pour manger”.(O.C. P. 127)

[30] ADDOUAIHI Est., Manarat el Aqdas vol. I  P. 60-61

[31] ADDOUAIHI Est., Manarat el Aqdas, P. 61 LAMMENS, H., Vestiges du Liban, vol. I. P. 83.

[32] ENLART C., Monuments religieux des Croisés, vol. I,P.15

[33]  LAMMENS H., Vestiges du Liban, vol. I,P.72

[34]  LAMMENS H., Vestiges du Liban, vol. I, p. 83

[35] ADDOUAIHI Est., Kitab Attacrisat (livre des consacrations) éd. Chartouny, Berouth 1902, P. 29.

[36] DAOU Boutros, Histoire de l’Eglise maronite, vol.II, p.402.

[37] ENLART C., Monuments religieux des Croisés, vol.II, P. 82

“…Les églises et les édifices de la Syrie antique (IV-VII s.) se distinguent par leur grand appareil, de taille fine et de facture bien soignée. Les pierres sont superposées en des assises extrêmement compactes quoique sans liant quelconque. Cette méthode d’origine phénicienne attire l’attention à la première vue de ces églises…” (Daou Boutros, Hist.vol.II,P.391) Ceci dit, rappelons que la taille syrienne de la pierre, comportait diverses variantes, mais toujours orientées dans l’optique de relier l’appareil sans liant. A travers nos randonnées syriennes nous avons pu étudier d’une manière plus profonde deux systèmes de décrochement de la pierre, tous deux aussi cohérents:

-Le premier présente cette forme: ce procédé est sans doute d’origine phénicienne, puisqu’on peut le constater dans le mur d’enceinte du temple de Hilsban ou d’Akkroum (Probablement phénicien du II s. Chrétien).

-Le second consiste à faire entrer une pierre entre deux autres à la manière d’un clou:

“Si l’appareil présente cette forme de pierres à décrochement, il faut voir les rapprochements à faire avec l’Arménie, et, se demander sles premiers inventeurs de ce système sont les Arméniens ou les Syriens. Ce procédé existe en Arménie dès le VI s. Qu’en est-il en Syrie? Cette question est très importante. A mon avis les rapports Syrie-Arménie ont été plus intenses qu’on ne le dit généralement. Je crois que le christianisme est entré en Arménie davantage à partir de la Syrie que de la Cappadoce. C’est la propagande byzantine qui, dès le VII s., a exalté le rôle de la Cappadoce dans la christianisation de l’Arménie pour des raisons politiques évidentes. L’arrivée du christianisme à partir de la Syrie s’est, sans doute, accompagnée d’influences artistiques et techniques. C’est , à mon avis, l’influence syrienne qui explique la qualité de l’appareil arménien qui surclasse le médiocre appareil byzantin contemporain”. (Mr.H.PRADALIER). A ceci nous répondons par une note du Père Daou: “L’influence de l’art architectural et pictural prit son départ de la Syrie vers l’Egypte et le Nord de l’Afrique pour parvenir en Espagne et en Angleterre (Butler, ECSP, 26- 64). Il partit, aussi, de la Syrie vers le Nord et joua un grand rôle dan l’architecture de la Cilicie, de l’Asie Mineure, l’Anatolie et l’Arménie. (Butler 263, Daou P. 416). 

 

 

Table des Matières

Partie1-Chap1

Partie3-Chap1

Partie4-Chap1

 

Partie1-Chap2

Partie3-Chap2

Partie4-Chap2

Introduction

Partie1-Chap3

Partie3-Chap3

Partie4-Chap3

   

Partie3-Chap4

Partie4-Chap4

 

Partie2-Chap1

Partie3-Chap5

Partie4-Chap5

 

Partie2-Chap2

Partie3-Chap6

 
   

Partie3-Chap7

Conclusion

 

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