Table des Matières

Table of Contents

Dr. Père Cezar Mourani ocd

Nouvelle Edition 2002

 

L'Architecture Religieuse de Cobiath (Kobayat) sous les Croisés

 

TROISIEME PARTIE

Etudes Detaillées des Chapelles Cobiathines

 

- Chapelles Simples –

Chapitre 6

 

LE CHAMBOUQ

Notre Dame de Qamma'a - Deir’Nein - Qassre

 

 

 

1. Notre-Dame de Qamma’a

 

A travers une longue vallée verdoyante, quatre kilomètres vous mènent du centre-ville Cobiathin jusqu’au site de Notre-Dame de Qammaa. Le long du torrent qui arrose de belles terres cultivables, plusieurs petites sources jaillissent de la montagne et rafraîchissent l’ambiance étouffante de la saison chaude. Le sanctuaire se dresse sur la plate-bande d’un éperon, saillant entre deux vallonnements. Une fois parvenu sur les lieux, le spectacle compense la pénible escalade. Au fond de la vallée, le regard embrasse la ville de Cobiath. Au Sud-Ouest et à moins d’un kilomètre s’éparpillent les maisons coquettes du moderne quartier de Qatlabé. Seule l’épaisseur d’une chaîne montagneuse orientée Est-Ouest sépare la vallée de Hilsban de celle de Qammaa dont un embranchement porte le nom de Halboucé.

 

1- Le site :

C’est un éperon aplani, flanqué de deux ouèds : au Nord-Est l’éperon semble avoir été séparé de l’une de ses pointes par une profonde et large entaille. La partie amputée forme un tertre petit et étroit qui garde encore des vestiges d’anciennes constructions à gros appareil à peine dégrossi. Était-ce un avant-poste de garde qui contrôlait le Ouèd à quelques dizaines de mètres plus bas? Au Sud-Ouest, un autre Ouèd, moins profond que le premier, trace une ligne de démarcation naturelle entre le site et le terrain avoisinant. Toujours dans le sens du Sud-Ouest, à 500 mètres environ des ruines, s’élève une petite colline qui porte le nom évocateur de Tallet-Ejjabbané (Tell du cimetière). Connu sous ce nom depuis des siècles, le tell renferme une série de tombes du type hypogéal très commun dans le pays. Ces tombes reviennent tout naturellement au site de Qammaa puisque aucune trace d’habitation ancienne n’a été repérée sur le tell lui-même. Un petit bosquet de gros et vieux chênes-verts ombrage, comme d’habitude, l’ancien emplacement. L’eau potable est assurée par une petite source qui coule, toute fraîche, à quelques deux cents mètres au Sud des ruines.

En fait de ruines, on n’en voyait, jusqu’à quelque temps, que la calotte d’une voûte hémisphérique surchargée de tout le poids d’un gros chêne séculaire. Une ferveur enthousiaste avait poussé les paysans à faire une petite fouille. Celle-ci avait mis-à-jour l’abside encore intacte d’une antique chapelle. On aménagea un escalier  de fortune, on badigeonna le cul-de-four et les pèlerins affluèrent de plus en plus nombreux. La guerre populaire, qui affecta le Liban, créa un souffle de renouveau spirituel. Les gens du pays, tout simplement croyants, comme leurs ancêtres maronites, firent appel aux secours de Notre-Dame dans l’espoir d’une délivrance surnaturelle. Si un grain de foi est capable de transférer les montagnes, la foi simple de ces braves paysans réussit, en un tour de main, à déblayer des centaines de tonnes de remblai. Pieusement, religieusement, sans grands moyens, la terre fut vidée et les restes d’une église à deux nefs reprirent le chemin de la vie.

 

2- Le Plan :

Le plan est fort simple. Apparemment, l’église est constituée de deux chapelles juxtaposées. Chaque chapelle est formée d’un vaisseau unique de forme rectangulaire raccordé à son abside par le ressaut de l’arc triomphal. La chapelle Sud, orientée comme sa voisine d’Est en Ouest, est légèrement plus longue et plus large que celle du Nord. Le rectangle de la nef mesure à l’intérieur(9,50 x 3,45) alors que l’abside en cul-de-four, parfaitement conservée, accuse un arc légèrement surhaussé. Cette abside devait être empâtée dans un ouvrage carré qui constituait la façade Est du rectangle formé par la nef et l’abside. Il y a  longtemps que cet ouvrage s’est écroulé laissant à nu le parement intérieur de l’abside. Les restes de la maçonnerie sont toujours repérables. La chapelle Nord, formée, elle aussi, d’un seul vaisseau offre un rectangle presque égal à celui de la chapelle Sud pour une abside moins développée. C’est, justement, ce décalage dans l’extension des absides qui crée un écart apparent entre les deux chapelles. La nef est aussi raccordée à l’abside par un seul ressaut. L’abside, formant au sol un cul-de-four à arc surbaissé a perdu sa calotte mais le pied-droit Sud de l’arc triomphal se conserve jusqu’au point de départ de l’imposte révélant un tronçon de mouluration romane assez grossière qui devait courir à la base de la calotte ainsi qu’elle se présente dans l’abside de la chapelle Sud. Un ouvrage carré devait aussi fermer à l’Est cette chapelle Nord car on peut en distinguer les vestiges parmi les débris qui encombrent encore le terrain. Aucun élément de décor original ne caractérise cette petite église. L’éclairage devait être réalisé par la porte unique de la chapelle Sud qui s’ouvre dans la façade Ouest et par quelques petites baies aujourd’hui bouchées par la terre de remblai. La construction des murs conservés, au Sud, jusqu’à la hauteur approximative de deux mètres, et, au Nord et à l’Ouest, jusqu’à un mètre environ, n’a pas dû donner du fil à retorde aux constructeurs qui se sont contentés d’appuyer les parois des nouveaux murs de rive Nord et Ouest aux structures épaisses d’une construction plus ancienne. Ainsi le parement intérieur des chapelles a été adossé, sans autre moyen, au parement intérieur de l’ancien édifice. De la sorte, l’église semble parfaitement encastrée dans l’antique monument dont les murs épaissis et rendus solides par l’emploi d’un appareil assez grand (0,95 x 0,75 en moyenne) ont procuré la stabilité nécessaire pour contenir la poussée des voûtes. Les chapelles devaient être voûtées en berceau. Le mur de rive Sud de la chapelle méridionale conserve encore les premières assises de l’imposte effondrée. Les angles des chapelles ainsi que leurs murs latéraux ne présentent aucune trace de piliers ou pilastres qui fassent supposer une toiture en voûte d’arête. La voûte devait, à son tour, être surmontée d’une terrasse en terre battue pareille à celle des autres monuments du pays. Plusieurs niches et baies de grandeur différente et qui pouvait servir soit aux besoins du culte soit à l’aération, sont percées à travers les murs et les parements de absides.

Il nous reste à étudier deux faits qui, certainement, peuvent être révélateurs. Le premier traite du problème de l’antique construction; quand au second, il concerne la destination des chapelles.

 

3- Problématique de l’église :

S’agit-il d’une église à deux nefs ou bien de deux chapelles juxtaposées ? A chaque nouvelle étape de notre étude, devant chaque monument étudié nous nous sommes posé la question, la réponse surgissait spontanée: il faut, avant tout, faire la connaissance du peuple propriétaire de ces édifices et étudier ses programmes cultuels, avant de répondre à toutes ces questions.

Faute d’être au courant de leur passé nous essayerons de les déchiffrer à la lumière des données que nous possédons. Ailleurs, certains centres cultuels donnaient, selon toute probabilité, la réalité de deux chapelles juxtaposées, comme à Saint Georges et à Notre-Dame de Ghozrata. Mais la découverte de Mar Sarkis et l’encastrement de ses chapelles dans un même édifice commencèrent par mettre dans notre esprit un doute qui va s’accroître au fur et à mesure que nous étudierons les autres monuments du pays.

Nous avons déjà signalé que les deux chapelles de Notre-Dame de Qammaa se trouvaient incluses dans une même enceinte: trois de leurs façades, Ouest, Nord et Est sont raccordées aux murs de l’enceinte antique par un simple parement. Nous ne saurions nous prononcer sur la quatrième façade, celle du Sud, puisqu’elle est couverte par le terrain adjacent jusqu’au niveau de l’imposte. Il nous reste, pourtant, à analyser les structures du mur mitoyen qui semble fort problématique. En effet un même mur, fait de deux parements garnis de bourre composée de pierres sèches noyées dans un mortier uniment préparé raccorde les deux chapelles de façon que les impostes des voûtes relatives prolongent verticalement les parements du mur dont les dernières assises constituent une sorte de lit de pose pour les berceaux des voûtes qui semblent monter en s’appuyant l’une sur l’autre. Ce mur mitoyen ne sépare qu’en partie les deux chapelles. L’autre partie était faite d’un grand arc emmuré qui paraissait un simple arc de décharge en berceau élargi. Un passage de 0,90 mètre de largeur percé au centre de l’arcature établissait la communication entre les deux vaisseaux. Ce passage ne montrant, cependant, aucune trace de charnière ou de mortaise ne semblait pas avoir été fermé et paraissait par conséquent d’une facture plus récente. L’arc, lui-même, enfonçant ses extrémités dans le sol et placé trop bas pour être un arc de décharge, fut dépouillé de tout ce qui semblait un ajout postérieur et une arcade de belle contenance s’ensuivit étendant jusqu’à plus de deux mètres de largeur la communication entre les chapelles. Avait-on raison d’évider l’arcature? Les paysans ont agi poussés simplement par leur bon sens naturel. Ils ont, peut-être, raison, puisque le muret de clôture, une fois abattu, n’a pas laissé de traces de fondation. Le cas échéant, il serait impossible de concevoir deux chapelles juxtaposées et le plan d’une église à deux nefs serait beaucoup plus logique.

 

4- Le passé de Qammaa:

A  partir des données recueillies sur le site, peut-on rêver loin sur le passé de Qammaa?

Essayons de présenter une lecture plausible. D’abord le nom: d’origine araméenne, Qmaa signifie  - lieu de la magie d’où Qmao = magicien.

Le nom, ainsi interprété, sent, de loin, le paganisme du peuple qui habitait la région et ceci ferait remonter les origines de site, pour le moins, à la période pré-chrétienne de la région. Déjà le type hypogéal de la nécropole placée sur le tell voisin et communément appelé “Qoubour El-Yahoud” pourrait constituer un témoin indéniable en faveur de l’ancienneté du site étant donné que ce genre de sépulture doit être placé avant le quatrième siècle au dire de P. Testini.

D’autre part, l’appareil et la texture du mur d’enceinte, outre les bâtiments annexes situés au Sud de l’église et dont on voit de temps en temps quelques assises saillantes du sol remblayé, font remonter l’ensemble dont ils dépendent, au cinquième, ou tout au plus, au sixième siècle. Ceci ouvre largement le chemin au souvenir d’un ancien couvent syriaque de la première période maronite dans le pays , du type déjà vu à Saint Georges de Chouita. Disons, enfin, que si les vestiges en maçonnerie ne remontent pas plus loin que le cinquième siècle, ceci n’interdit pas de penser sérieusement à un temple de la période gréco-romaine, vu le type hypogéal déjà mentionné et les tessons de poterie qui emplissent littéralement le terrain environnant.

 

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2. Deir’Nein

 

De Notre-Dame de Qammaa jusqu’à Chambouq, trois kilomètres de montée harassante, relaxée à peine par la fraîcheur de l’air montagnard et les belles cultures échelonnées le long des coteaux, Chambouq, communément appelé El Jord (la montagne) est aux environs de mille mètres d’altitude, il constitue la dernière rampe sur le versant oriental de la chaîne du Liban. Il forme, à travers le Liban, le passage le plus facile entre la Syrie intérieure et la côté libanaise. Rappelons, à ce propos, que c’est par là que passèrent les armées babyloniennes, dans leur marche sur Jérusalem. Plus haut, la montagne se dresse à pic, rendant impossible toute velléité de traverser Qammouaa, surtout durant les six mois d’hiver où la neige, à deux mille mètres, aplanit tout relief. Chambouq n’est pas un haut-plateau comme Chouita et la montagne s’élargit à peine pour livrer passage à une route nationale. Ses versants descendent abrupts vers des vallées profondes. Du Sud au Nord, il est contourné par un étroit vallonnement qui va rejoindre à la lisière du Akroum le Ouadi Oudîn, tandis que, au Nord-Ouest, sa longue pente se déroule jusqu’à Cobiath, à travers Qammaa et Morghane. Arrivé au bout de l’escalade, on s’arrête sur la rampe d’une église moderne, c’est Notre-Dame de Chambouq. Brûlée durant les événements de 1975, l’église vient d’être remise à neuf. Elle n’a pas été construite sur le site de l’ancien Deir dont nous allons retrouver les ruines, quelques centaines de mètres plus loin. Dans un angle de l’esplanade qui précédé l’église une pierre attire notre attention: une belle tête, aux traits arrondis et aux cheveux bouclés, taillée en relief, s’apparente selon toute probabilité à l’art syrien du cinquième- sixième siècle communément appelé “art byzantin”. Un paysan nous a dit que sa charrue avait buté contre la pierre dans le terrain adjacent au vieux sanctuaire.

 

1- Le nom:

Dans le papier précité, le savant Monseigneur Zraïbi traduit à partir du syriaque le mot “’nein” par istijabât dans le sens de réponse  à un appel, un “donner suite à un appel”, grosso modo: “N.D. des dons”. Ce vocable de la Ste. Vierge est déjà connu. Dans la même perspective de répondre à l’appel des fidèles, nous avons employé un autre vocable usuel à la Ste. Vierge = “N.D. du secours”, il semble que, tous deux, nous ayons commis l’erreur de traduire à partir du verbe impératif alors qu’en syriaque il y a le substantif, ‘Nino qui signifie Al’ Inan, Al Ghaïm : le nuage. Serait -il le cas d’avoir une Saïdet el Ghaïm ou bien El Ghaïm[1]. Ce titre de la Ste vierge ne serait pas déplacé dans une société paysanne, un monde agricole où la pluie est primordiale. Tout le monde se rappelle les pélérinages faits en masse par les Cobiathins jusqu’à Mar Gerges-Chouita alors que les pluies d’avril se faisaient rares et que les jeunes plants de blé risquaient la sécheresse.

 

2- Le site:

Placé à mi-côté sur le versant Sud de Chambouq, à deux cents mètres environs, de la nouvelle église, le monument, presque enterré dans le sol, git, abandonné, sous la pierraille informe.

Nous ne pûmes le retrouver que grâce à la bienveillance d’un jeune pâtre musulman, à qui nous devons une belle légende mais combien significative relative à Deir “ ‘Nein”.[2]

Un peu plus bas, il y a un Ouèd sur lequel se dressent des falaises rocheuses énormes. A moins de cinq cents mètres dans le sens du Sud-Ouest se trouvent les ruines du “Qassre”. Non loin de ces ruines, une grande source “Ain-el Borghol” surgit du flanc de la montagne qui l’ombrage de sa belle couronne de Chouhs (Abes Libanotica) et de cèdres séculaires.

 

3- Plan de l’église :

L’église est parfaitement orientée. On y pénètre par une seule porte percée dans la façade Ouest, l’ancien bénitier y est toujours mais déraciné et jeté dans les décombres. Les murs sont conservés jusqu’au cintre des voûtes, mais l’ensemble est totalement enfoncé dans le sol comme si l’église voulait absolument se dérober aux regards indiscrets. Le plan, bien dessiné, ressemble, point par point, à celui de N.D.de Qamma’a avec beaucoup de ressemblance avec Mar Sarkis. La porte d’entrée, entrée unique, perce la façade Ouest et donne directement sur la chapelle Sud alors qu’à Mar Sarkis, placée dans le mur Nord, elle donne sur la chapelle relative. Disons enfin que le plan est celui d’une église à deux nefs: extérieurement, il forme un rectangle légèrement écourté à l’angle Sud-est par le demi-cercle de l’abside. Á l’intérieur, le rectangle est divisé en deux moitiés presque égales par un mur mitoyen évidé, en partie, vers son extrémité Ouest en une arcade qui ouvre un large passage entre les deux chapelles.

 

4- La nef Nord :

Le plan de cette nef est semblable à celui de la chapelle Nord de Mar Sarkis. Orientée d’Ouest en Est, la nef est formée d’un vaisseau unique à deux travées terminé par une abside hémisphérique encastrée dans un chevet droit. Le mur Nord se prolonge horizontalement de façon à englober, dans un rectangle uni, nef et abside. cette nef semble avoir eu droit à un soin tout à fait particulier de la part des constructeurs.

A l’intérieur, les axes directeurs mesurent 9,60 m de longueur abside comprise et 3,10 m de largeur. Vaisseau rectangulaire divisé en deux travées de plan carré, le dessin de la nef permettrait de restituer, sans doute, une toiture en voûte d’arête soutenu par des piliers engagés. Ceux-ci ont reçu un soin particulier. Faits en pierres du type dit “Malaké”, ils ont une taille soignée et un galbe assez délicat malgré leur puissante carrure. Les pierres, comme celles de Mar Sarkis, présentent, des stries parallèles disposées obliquement par rapport au lit de pose, ce qui indique qu’elles ont été faites au moyen du taillant droit à dents. Un étroit listel légèrement saillant couronne l’entablement des pilastres, mettant en retrait l’imposte de la voûte. Les murs devaient être couverts d’un enduit de mortier fait de sable local, de poterie finement triturée, de chaux et de cendre dont on peut remarquer les résidus nombreux du charbon.

Aux angles, les piliers sont moins bien soignés. Leur disposition est aussi différente: ils sont à saillant triangulaire alors que les pilastres médians sont cruciformes et plats.

Alors que l’arcade médiane de Notre-Dame de Qammaa enfonçait ses bouts dans les murs de fondation, à Deir “ ‘Nein” l’arcature repose sur des piliers. Ceux-ci sont adossés au parement intérieur de la façade Ouest, alors que l’autre ferme le mur mitoyen à l’angle du carré de la première travée. L’entablement de ces piliers est préparé de façon à recevoir la retombée de l’arcade, les arceaux de la voûte et l’arc qui décharge le mur Ouest. Le carré de la seconde travée est moins régulier que celui du Nord, le vaisseau semble s’infléchir vers la droite.

L’abside dessine un arc outre-passé. Elle est raccordée à la nef par un double ressaut et l’arc triomphal, reposant directement sur l’entablement entre la calotte de l’abside et les arêtes de la nef.

 

5- La Nef Sud :

On y entre directement par la porte de la façade Ouest. Cette chapelle est légèrement plus large(3,28) mais aussi longue que la première (9,60) abside comprise. L’effondrement du toit a tellement remblayé le sol qu’il est presque impossible d’analyser les éléments de l’architecture. D’après les données présentes, cette nef, formée d’un vaisseau unique devait être couverte d’une voûte en berceau brisé dont la partie Sud de l’imposte reposait directement sur le mur méridional doté d’une épaisseur de 1,50 mètres, fait unique parmi les murs de l’église qui ne dépassent pas le mètre en général, épaisseur donc sensée contenir la poussée de la voûte alors que celle-ci s’appuyait doucement sur l’entablement du mur mitoyen, soutenue par le cintre de la voûte adjacente. Le demi-cercle de l’abside continue le rectangle de la nef sans aucun trait de raccord aussi se révèle-t-elle plus longue que sa voisine du Nord.

 

6- Le décor :

Aucun élément de décor ne semble caractériser l’église. Plusieurs niches aussi bien que des baies, visibles surtout dans la nef Nord, sont ouvertes dans les murs. Les baies sont en majorité aveugles et devaient plutôt servir à recevoir les objets de culte.

Dans l’état actuel des ruines, nous ne saurions pas expliquer les moyens d’éclairage si ce n’est par la porte qui, à elle seule, rendrait l’église trop obscure. En d’autres circonstances, nous pourrions, peut-être, envisager deux solutions: soit que la façade Ouest fut dotée de baies d’éclairage, soit que les murs de rive, aujourd’hui ensevelis sous les débris accumulés par l’effondrement de la terrasse et le glissement du terrain environnant, fussent jadis dégagés, au moins en partie. Le cas échéant, quelques unes des baies, actuellement oblitérées, auraient projeté une lumière, même tamisée, à l’intérieur du sanctuaire.

Des ouvertures étroites sont visibles sur les parois intérieures des murs latéraux, ce sont les entrais laissés par la charpente employée à l’exécution des voûtes. Ces entrais de 0,30 mètre de côté, aujourd’hui presque remblayés par l’écroulement de l’église, percent les murs à la naissances des voûtes, tous les deux mètres environ. Ce genre d’appui encastré se remarque aussi fréquemment dans les autres ouvrages de l’époque franque, surtout dans les constructions militaires, où ils sont restés apparents et sans aucune utilité. La mouluration qui court à la hauteur de la naissance de la voûte de l’abside est du type courant dans les autres monuments du pays.

Notons, au passage, la découverte d’un petit bénitier en pierre à grain rougeâtre, un genre de granit local d’une facture assez propre, perdu dans l’amas de pierraille, à l’intérieur de l’église. Il a été arraché de sa place vide dans le pilier adjacent à la porte d’entrée.

Signalons, enfin, la présence de structures anciennes éparpillées dans les champs aux environs du sanctuaire, sont-ce les maisons d’un hameau perdu, ou bien les annexes traditionnelles de L’église?

 

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3. Qassre

 

Au Sud-ouest et à moins de cinq cents mètres du sanctuaire de Deir “’Nein”, il y a une ruine fort antique mais d’apparence insignifiante: cette ruine porte le nom pompeux de El-Qassre. Or le mot arabe peut avoir le sens de palais ou de château et nous doutons fort qu’il en fût ainsi; il peut avoir aussi la valeur du mot latin “Castrum” ou lieu fortifié, chose beaucoup plus raisonnable dans le cas de cette ruine. Nous pensons qu’il s’agit d’une simple tour de garde, une sorte de poste-vigie avancé sur ce passage discret des invasions. Les Byzantins, et, à leur suite les Croisés, en établirent plusieurs dans les points névralgiques sur les frontières de leurs territoires face aux musulmans toujours aux aguets.

Le Qassre est un ouvrage presque carré doublé d’un mur d’enceinte, toujours visible à ses côtés Sud et Est. A l’Ouest, ce qui reste du mur, mesure 7,20 mètres de longueur pour 1,50 mètre d’épaisseur. Les côtés Nord et Sud ont une longueur de 7,60 mètres pour 1,10 mètre d’épaisseur, alors que le mur Est, pour une longueur de 7,20 mètres accuse une épaisseur de 0,90 mètre. A l’angle Sud-Ouest, le mur septentrional se prolonge vers le Sud, puis contournant le carré se dirige vers l’Est pour y rejoindre le mur d’enceinte. L’espace ainsi créé entre les deux murs méridionaux est de 3,30 mètres de largeur. La partie orientale de l’enceinte épaisse de 0,90 mètre se dresse à 2,70 mètres du carré. On pénètre à l’intérieur de l’enceinte par une porte placée à l’angle Sud-Est. De là, on peut se diriger, soit vers le Nord, soit vers l’Ouest. Deux larges portes donnent accès à l’intérieur de la salle. La porte Sud, presque remblayée, se laisse à peine deviner sur le sol encombré. Celle de l’Est, cependant, mieux conservée, s’élève encore de 1,50 mètres du sol pour une largeur de deux mètres. Elle devait être normalement fermée puisque les charnières, de gros monolithes, gardent encore le souvenir des gonds et des mortaises.

La tour ainsi dessinée devait avoir un aspect assez solide car ses murs ont employé un appareil bien gros. Les pierres mesurent en moyenne(1,30 x 0,50 x 0,35). Ils comprennent dans leur épaisseur deux parements reliés par un bourrage épais. L’intérieur du carré pouvait-il avoir une séparation quelconque? Tout le laisse penser, mais le remblai qui encombre le sol ne nous permit point de nous en assurer.


[1] N.D. de la pluie? cette remarque est du R.P. Etienne Tohmé (O.C.D.)

[2]“Le Weli est ancien, fort ancien, raconta le jeune pâtre. Dans le temps, bien loin dans les temps, il y avait sur les lieux un petit hameau dont il ne reste pas grand chose. A côté du weli vivait un curé, bien sage, avec sa famille nombreuse, alors que ses cousins avaient construit leurs maisons sur le mamelon d’en face, là où il y a le Qassre. Il y avait longtemps qu’il n’avait pas neigé et la vie devenait assez dure à cause de la sécheresse. Un soir, les nuages s’amoncelèrent et le vent souffla annonçant une pluie imminente. Le sage curé, devinant l’approche d’une tempête sans précédent, se porta chez ses cousins et les pria de quitter les lieux. Ces derniers se refusèrent, prétextant qu’il n’y avait pas à craindre d’une neige tant attendue. Le curé, de retour chez lui, annonça son intention de s’en aller et demanda à ceux qui voulaient partir de se préparer. Il se mit enfin à la tête de la petite troupe et descendit la vallées vers Cobiath: Le brave curé avait deux pigeons, il plaça l’un d’eux sous le boisseau alors que l’autre resta libre. Vers minuit la tempête fit rage et continua de la sorte plusieurs jours de suite. En un moment d’accalmie, l’un des paysans eut l’idée d’aller s’informer de son curé. Il eut beaucoup de peine pour arriver à la maison dont il trouva les issues bloquées par l’épaisseur de la neige, réunissant ses forces déjà, affaiblies, il parvint à dégager la fenêtre, et se glissa à l’intérieur.  La maison était vide mais son attention fut atirée par le boisseau qu’il se hâta de relever. Un pigeon y était mais mort. Lui, qui connaissait bien les deux pigeons du curé comprit que l’autre pigeon, resté libre, s’était envolé à temps. Il comprit alors la sage leçon du curé mais c’était trop tard. La tempête ayant repris de plus belle coupa les routes. Les paysans périrent ensevelis sous la neige alors que le curé et sa suite, partis, se transférèrent à Dahr-Safra, dans le voisinage de Tartous où leurs petits-fils vivent jusqu’à présent”.

 

 

 

Table des Matières

Partie1-Chap1

Partie3-Chap1

Partie4-Chap1

 

Partie1-Chap2

Partie3-Chap2

Partie4-Chap2

Introduction

Partie1-Chap3

Partie3-Chap3

Partie4-Chap3

   

Partie3-Chap4

Partie4-Chap4

 

Partie2-Chap1

Partie3-Chap5

Partie4-Chap5

 

Partie2-Chap2

Partie3-Chap6

 
   

Partie3-Chap7

Conclusion

 

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